À Thann, la fin des accouchements affole les habitants de la vallée

Par
Publié le 15/04/2019
Article réservé aux abonnés
THANN

THANN
Crédit photo : Martin Dumas-Primbault

Au pied du massif des Vosges, à Thann (Haut-Rhin), chaque minute compte pour les mamans de la vallée. « Un peu plus et j’accouchais devant l’hôpital », raconte Laurelyne, encore un peu sonnée. La veille, elle a donné naissance à Sam « quelques minutes seulement » après avoir été admise à la maternité. « Plus loin ça n’aurait pas été possible d’arriver à temps », ajoute son mari, l'air visiblement ému lui aussi.

Le couple habite Lauw, « dans la vallée d’à côté, à 20 minutes de voiture ». Mais comme beaucoup dans la région, s’ils veulent un quatrième enfant, c’est à l’hôpital de Mulhouse, « 25 minutes plus loin », qu’ils devront faire le déplacement.

La fermeture annoncée de la maternité de Thann a sidéré la population, le jour de sa parution dans un quotidien local, le 20 octobre. L’agence régionale de santé (ARS) Grand Est prévoit en effet de faire cesser les accouchements à l’hôpital Saint-Jacques, deux ans après la fermeture des urgences.

À cinq mois de grossesse, Adeline s'inquiète. Dans sa famille, tout le monde est né ici. Elle voudrait que son premier enfant voie le jour dans cette petite maternité « familiale », mais pour l’instant, c’est l’incertitude. Sans doute devra-t-elle accoucher à Mulhouse, dans l'établissement pilote du Groupe Hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace (GHRMSA), avec lequel devrait être fusionnée la maternité de Thann. En sursis également, celle d’Altkirch, située plus au sud à quelques encablures de la frontière suisse, devrait connaître le même sort.

Insécurité

Pour justifier ce transfert, les autorités sanitaires pointent un nombre d’accouchements trop faible et une pénurie médicale telle qu’il devient difficile de maintenir un niveau de sécurité suffisant pour les parturientes.

Mais pour le personnel de cette maternité de niveau 1, rien de cela n’est vrai. « On a fait 368 accouchements l’année dernière et les tableaux de garde sont toujours complets », assure Yael, sage-femme depuis 10 ans à Thann. Si la jeune femme reconnaît une baisse d’activité sur les derniers mois, elle l’impute à l’inquiétude créée chez les futures mamans par l’annonce de la fermeture. « Certaines nous téléphonent pour savoir si on est toujours ouvert, mais d’autres vont directement se faire suivre ailleurs », raconte-t-elle avec amertume. « On peut les comprendre, cette situation est très insécurisante ! »

Elle-même ne sait pas ce qu’elle deviendra en cas de fermeture. Si un centre de périnatalité de proximité (CPP) devrait voir le jour à la place de la maternité, elle affirme n’avoir jamais été conviée aux réunions préparatoires. Raison de plus d’en vouloir à la direction. « En plus d’avoir appris par la presse que l’ARS voulait nous fermer, jamais personne n’est venu nous voir pour parler de notre avenir. »

À l’hôpital de Mulhouse, le son de cloche est différent. « Avec seulement 1,5 gynécologue à temps plein, la maternité de Thann est contrainte de recourir à l’intérim et ce n’est pas un gage de bonne qualité », explique le Dr Philippe Weber, directeur médical du pôle maternité et gynécologie du GHRMSA. La conversion du site en centre de périnatalité, assurant le suivi pré et postnatal des parturientes, « ne peut être que positive », assure l'obstétricien affirmant même que « c’est le seul moyen de garder l’établissement ouvert ».

Colère dans la vallée

Catherine Ravinet, directrice générale adjointe du GHRMSA, va dans le même sens. « Ce n’est pas une fermeture de la maternité en tant que telle mais une transformation de l’offre de soins », déclare-t-elle. Pas sûr que cela suffise à convaincre ses détracteurs.

Car en s’enfonçant quelques km dans la vallée de la Thur, à l’ouest de Thann, des banderoles de l’association pour la Renaissance des services hospitaliers thannois (REST) fleurissent au bord des routes. Jeanne Stoltz-Nawrot, sa présidente, également maire de la petite commune de Husseren-Wesserling, s’emploie depuis quatre mois à fédérer élus locaux et citoyens. Grâce à elle, la cessation des accouchements, initialement prévue au 31 mars, a été reportée à la fin de l’année.

Et elle ne compte pas s’arrêter là. Forte du « soutien de 26 maires et de deux communautés de communes sur les trois que compte la vallée », l’association veut peser dans les négociations… et pourquoi pas faire échouer la fermeture. Le 5 avril, ils étaient plus de 120 adhérents à manifester aux abords d’une réunion de concertation organisée par l’ARS avec les acteurs locaux de santé. « Ça a commencé à chauffer », raconte Jeanne Stoltz-Nawrot. « Il y a de la colère et bientôt on ne pourra plus la contrôler ! ».

De notre envoyé spécial, Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin: 9741