LE QUOTIDIEN : Quel bilan tirez-vous de cette première année d'application de la réforme de la PACES ?
FRÉDÉRIQUE VIDAL : La réforme de l’accès aux études de santé est une transformation majeure, fruit d’un travail collectif et d’une longue concertation. Elle a deux ambitions : diversifier les profils d’étudiants qui souhaitent s’orienter vers les études de santé et mieux les accompagner tout au long de leur parcours universitaire. Cette réforme s’est mise en place dans un contexte de crise sanitaire, ce qui a pu engendrer des difficultés. Nous sommes très attentifs et conscients des difficultés liées à cette année particulière.
Nous nous appuierons sur le bilan objectif de la mission de l’inspection générale en cours pour apporter toutes les améliorations nécessaires. Des pistes sont déjà en vue. Dès à présent, nous savons avec les universités que cette première année de mise en œuvre conduira à des ajustements. Toutes se sont emparées de l’esprit de cette réforme, qui est de valoriser le parcours de l‘étudiant tout en restant sélectif.
Le principal objectif de la réforme était de mettre fin au « gâchis humain » de la PACES. Cette promesse est-elle tenue ?
C’était un gâchis parce que des milliers d’étudiants mémorisaient des connaissances pour se présenter à un concours dont l’évaluation était basée sur la capacité à reproduire ce qui avait été mémorisé. Une bonne partie de ces connaissances étaient oubliées jusqu’à ce que les étudiants en aient besoin, à l’occasion d’une situation clinique ou, plus souvent, au moment de l’internat ou du choix de la spécialité. C’était un gâchis également parce qu’une grande partie des étudiants ne pouvait pas prétendre au redoublement et devait se réorienter dès la fin de la première année. Et, ceux qui redoublaient, qui avaient passé deux ans à préparer le concours et qui échouaient, repartaient à quasiment zéro !
C’est pour éviter cela, pour permettre aux étudiants recalés de poursuivre en licence s’ils le souhaitent, et pour diversifier les profils, que cette réforme a été unanimement portée. À la rentrée 2021, une proportion plus importante d’étudiants commencera des études de santé. Ceux qui ont échoué à l’entrée dans les filières mais qui auront validé leur année poursuivront en licence deuxième année et pourront se représenter une fois encore. Et s’ils veulent attendre un an encore pour le faire, ils pourront aussi.
Pour la rentrée 2021, vous avez annoncé une augmentation globale de 1 300 places (+14 %) en deuxième année de médecine. Pour gérer la transition, ne pouvez-vous pas aller beaucoup plus loin, augmenter encore les capacités de formation ?
Nous n’allons jamais autant accueillir d’étudiants en deuxième année de médecine qu’à la rentrée prochaine, et nous continuerons en ce sens ! Nous avons demandé le 18 mai aux universités d’afficher clairement leur capacité d’accueil minimale qui doit être au minimum la même que celle de cette année. Le nombre de places ne pourra qu’augmenter l’année prochaine. Ensuite, les échanges avec chaque ARS sur la trajectoire à tenir pour atteindre les objectifs de formation permettront de réajuster si nécessaire mais, encore une fois, à la hausse dans cette période de transition et pas à la baisse.
Le Sénat juge que la réforme a été « mal anticipée ». Que répondez-vous ?
Cette réforme a été votée en 2019 mais des expérimentations avaient déjà eu lieu depuis deux ans. Elle était donc prévue. Un certain nombre d’universités s’étaient mises en ordre de marche et ce sont celles qui ont rencontré le moins de difficultés. D’autres, par contre, attendaient sans doute l’année scolaire 2019-2020 pour travailler la question mais le confinement a ralenti le processus.
Pour l’an prochain, un certain nombre de préconisations ont été proposées par le comité national de pilotage et la mission de l’inspection générale. Le Pr Michèle Cottier, chargée de l’accompagnement de cette réforme, est au quotidien auprès de chaque université pour améliorer immédiatement ce qui peut l’être et préparer la rentrée.
Mais quels sont ces points précis d'amélioration ?
Les améliorations touchent les modalités de validation avec des notations progressives plutôt que binaires. Elles concernent aussi le contenu des programmes pour mieux l’adapter aux filières choisies par les étudiants en première année, la compensation entre unités d'enseignement, entre semestres, l’abandon des notes éliminatoires, la mise en place d’un comité de suivi local. Ainsi, dans les faits, la grande majorité des recommandations du rapport du Sénat est d’ores et déjà mise en œuvre…
Nous avons aussi programmé dans peu de temps un retour d’expérience de cette première année pour échanger, enrichir les propositions d’améliorations et surtout partager les bonnes pratiques des universités.
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