Depuis un décret publié le 14 septembre 2020, l’ensemble des soignants, hospitaliers et de ville, ainsi que les intervenants auprès des personnes vulnérables, à domicile ou en Ehpad, peuvent, après une infection Covid-19, bénéficier de la reconnaissance automatique d’une maladie professionnelle, à la condition d’avoir contracté une forme sévère de la maladie nécessitant une oxygénothérapie.
Pour les non-soignants qui ont reçu une oxygénothérapie, ainsi que les soignants qui n’en ont pas eu besoin, la reconnaissance du Covid comme maladie professionnelle requiert le passage devant un comité national d'experts indépendants, composé d'un médecin-conseil de la Caisse d'Assurance-maladie et d'un praticien hospitalier ou d'un médecin du travail. Ce comité peut enquêter sur le lieu de travail du demandeur afin de déterminer le lien entre la pathologie et l’emploi exercé. Les non-soignants qui n’ont pas reçu d'oxygène devront passer par un médecin-conseil de la caisse d'Assurance-maladie pour déterminer si les séquelles présentent une forme de gravité, avant que leur cas puisse passer devant le comité.
Cette reconnaissance en maladie professionnelle permet une prise en charge à 100 % des frais médicaux, mais aussi de recevoir une indemnité en cas d'incapacité temporaire ou permanente. Une fois la maladie professionnelle reconnue, c’est un médecin-conseil qui fixe le montant de l'indemnisation. En cas de décès, les ayants droit peuvent également percevoir une rente.
L'oxygénothérapie, un critère jugé trop restrictif
Ce décret a été vivement critiqué dès sa publication. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, avait alors dénoncé « une trahison de la parole publique ». Dans une lettre datée du 30 septembre, les représentants de plusieurs syndicats (CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) ont écrit au Premier ministre Jean Castex pour réclamer une modification du dispositif de reconnaissance du Covid-19 en maladie professionnelle, qu’ils décrivent comme « un parcours du combattant ». La définition retenue « exclut bon nombre de salariés qui ont développé d'autres altérations », déplorent-ils, jugeant le champ d'application du décret « trop restreint » et ne permettant pas « une véritable indemnisation pour les travailleurs exposés ».
Pour Jérôme Vivenza, qui suit ce dossier pour la CGT, le critère de l’oxygénothérapie pour les soignants ne permet pas de « refléter l’ampleur des séquelles subies ». Pour les autres, le passage devant un comité les expose à « des procédures longues sans garantie qu’elles aboutissent ». Surtout, la reconnaissance différenciée entre les soignants et les autres « crée une injustice avec des niveaux d’indemnisation différents », poursuit-il.
Face aux critiques, le ministre de la Santé Olivier Véran s’est engagé, début février, lors d’une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à ce que les demandes de reconnaissance non automatiques « d'affection à Covid responsables de séquelles » soient traitées « sous trois mois ».
La difficile reconnaissance des Covid longs
Du côté des patients, le compte n’y est pas. L’oxygénothérapie est un « critère erroné », estime Matthieu Lestage de l’association « Après J20 » qui regroupe des patients atteints de Covid longs. « L’ensemble des séquelles de la maladie n’est pas reconnu et expose les patients à un parcours chaotique et une situation professionnelle et économique complexe », observe-t-il, estimant que « les cas de Covid long sont une situation inédite que les médecins ont du mal à catégoriser. On avance à l’aveugle ».
Pour les symptômes prolongés du Covid, « aucun critère n’est défini, alors que certains cas nécessiteraient une reconnaissance », regrette la Pr Dominique Salmon-Céron, infectiologue à l'Hôtel-Dieu (AP-HP) et présidente du groupe de travail de la Haute Autorité de santé sur les symptômes prolongés du Covid-19. En conséquence, les patients doivent présenter des dossiers très documentés, qu’ils peinent à constituer faute d’éléments prouvant leur infection et leurs séquelles. « Les cas de Covid long n’ont pas toujours une sérologie positive ou une PCR certifiant l'infection et on ne les croit pas, car le Covid long n’est pas compris », relève la Pr Salmon-Céron. Mais la situation évolue. « Certains patients commencent à être pris en compte. Le refus n’est plus systématique, alors qu’à un moment, c’était le cas », poursuit l’infectiologue.
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