La monnaie allemande étant complètement avilie, nos voisins d'outre-Rhin en viennent à la pratique, barbare et primitive, du troc. On conte qu'à Berlin, une société pétrolifère distribue, comme dividendes, à ses actionnaires, des bidons de benzine. À Nauheim, station thermale bien connue, un docteur demande, comme honoraires, pour sa visite,
une livre de beurre ou son équivalent en œufs, fromage, légumes ou fruits.
Ne nous récrions pas trop vite ; chez nous, dans le Midi, un de nos confrères, professeur de Faculté, s'il vous plaît, lorsque le malade auquel il rendait visite se déclarait incapable de le payer, emportait tout ce qui lui tombait sous la main.
C'est ainsi qu'un jour, il fut appelé auprès d'un ouvrier qui excipait, pour ne pas s'acquitter envers lui, du mauvais état de sa bourse.
- Donnez-moi au moins quelque chose, lui dit le Professeur C…
Je n'ai rien, répondit le malheureux.
Sur la table se trouvait une côtelette de mouton, destinée au frugal repas de la petite famille. Le Professeur C… la mit tranquillement dans sa poche en disant :
- Hé bien, alors, j'emporte toujours ça !
C'est, il est vrai, le Petit Marseillais qui relate l'anecdote ; mais ce n'est pas une raison
pour que ce soit une galéjade. Le Professeur C… a, d'ailleurs, très mal tourné depuis.
(Chronique médicale, 1924)
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