« J’ai toujours la gnaque ! », un généraliste sorti de la retraite fait le bilan d’un an de salariat

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Publié le 30/11/2019

Crédit photo : PHANIE

Le Dr Maurice Cohen n’aura pas eu le temps de goûter à sa retraite entamée l’été 2017. Il y a un an, il reprenait du service pour venir en aide aux habitants d’Hérimoncourt (Doubs), commune désertée par les généralistes depuis près de 14 mois.

Après plus de quarante ans d’exercice libéral à Montbéliard, ce médecin âgé de 71 ans n’a pas hésité à passer au salariat. Pour « le Quotidien », il explique ce choix et fait le bilan d’une année d’exercice avec deux autres confrères également septuagénaires dans un cabinet géré par l’association Asame (*).

LE QUOTIDIEN - Vous avez exercé en cumul emploi retraite de 2012 à 2017, date à laquelle vous avez pris votre retraite définitive. Un an plus tard, fin 2018, vous êtes de retour dans un cabinet médical ! Que s’est-il passé ?
Dr MAURICE COHEN - La maire d’Hérimoncourt nous a contactés, mes confrères et moi, au début de l’année 2018. Elle cherchait des généralistes pour le secteur après le départ de quatre médecins. Mais elle ne trouvait pas. Moi, cela faisait plusieurs mois déjà que j’étais en retraite. J’étais prêt à reprendre du service mais pas en libéral. On était très intéressé par le salariat. On en avait marre de toutes les charges, CARMF, URSSAF… Les charges sont faramineuses. On a dit : «Halte. Si on reprend du service, on veut être salariés.» C’est une association, l’Asame, qui s’est chargé de créer le cabinet et de nous salarier, me deux confrères et moi.

Vous ne vouliez plus exercer en libéral ?
Je n’avais pas quitté mon cabinet libéral pour reprendre un cabinet libéral. C’est idiot. Et puis, à 70 ans, je me disais qu’il fallait que j’arrête. Le rythme était trop soutenu. Un cabinet libéral, il faut que ça tourne ! Pas de vacances, des horaires pas possible… On fait plus de 70 heures par semaine, les visites à domicile, les consultations, les gardes…

Justement, à votre âge, vous n’aviez pas envie de raccrocher définitivement ?
Pas du tout ! Je suis très motivé. J’ai toujours la gnaque…. Mais je sais que je ne vais pas faire ça très longtemps, tout au plus 3 ou 4 ans. Je ne me vois pas travailler jusqu’à 80 ans, ce n’est pas possible.

Quelles sont vos conditions de travail aujourd’hui ?
Je travaille trois demi-journées par semaine au cabinet d’Hérimoncourt, comme mes confrères. On tourne, il y a un roulement. Ce qui fait que le cabinet est ouvert tous les jours sauf le jeudi matin et le samedi. Depuis la rentrée, on exerce également dans une commune voisine, à Seppois (Haut-Rhin). Le cabinet est là aussi géré par l’Asame. On y consulte chacun une demi-journée. Au total, je travaille donc 2 jours par semaine.

Vous ne regrettez pas votre choix du salariat…
Pas du tout ! Ça me convient parfaitement. Je bénéficie des congés payés, des chèques vacances, du comité d’entreprise… Je n’ai plus tous les enquiquinements du libéral. Nous avons une secrétaire médicale tous les matins et l’Asame se charge de tout l’administratif. C’est aussi avantageux financièrement. En libéral, quand on regarde ce qu’on gagne, ce qu’on paye, ce qui nous reste après les impôts, je ne suis pas sûr que ce soit si intéressant. Un médecin à l’hôpital aura une fois et demi notre retraite. Il n’y a pas photo !

Si c’était à refaire, vous choisiriez le salariat ?
Je me suis installé en 1974 juste à la sortie de la fac. À l’époque, il fallait absolument qu’on mette notre plaque, qu’on se constitue une patientèle, qu’on soit médecin de famille. C’était ça le modèle du médecin. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Pour avoir goûté aux deux systèmes, je conseille vraiment aux jeunes d’opter pour le salariat.
Je leur donnerais un autre conseil. Notre métier est très exposé au burn-out. Il est très important de faire partie d’un groupe de confrères. Ça a été mon cas pendant 40 ans. On avait l’habitude de se retrouver entre généralistes une fois par semaine autour d’un dîner, de partir en séminaire ensemble. On parlait de nos problèmes, on se stimulait. C’est vraiment important de ne pas rester isolé !

* Asame : Associations de soins et d’aides Mulhouse et environs


Source : lequotidiendumedecin.fr