Courrier des lecteurs

Juppé, Fillon et le lapin en peluche

Publié le 05/12/2016
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Le dernier débat de la primaire à droite entre Messieurs Juppé et Fillon a glissé sur l’avortement. Permettez-moi de raconter une histoire qui s’est déroulée récemment dans mon cabinet.

Une femme de cinquante-trois ans est venue me consulter pour une rhinite survenue brusquement il y a treize ans. Adressée par un confrère, elle désirait que je pratique des tests à la recherche d’une hypersensibilité alimentaire. Nous avons d’abord parlé ensemble. Elle m’a appris que la rhinite avait commencé juste après l’enterrement de sa grand-mère envers qui elle portait une immense affection.

Après l’interrogatoire, je l’invite à s’allonger sur la table d’examen pour procéder aux tests. Je sens que cette femme est perturbée, préoccupée. Soudainement, elle commence à pleurer doucement. Une, deux, trois larmes coulent le long de ses joues. « Docteur, je ne vous ai pas tout dit. »

« Un an avant l’enterrement de ma grand-mère, j’ai été enceinte. Mon mari n’a pas voulu l’enfant et m’a demandé de me faire avorter. Je suis donc allée consulter à l’hôpital et là, on ne m’a pas laissé le temps de choisir. On m’a demandé de prendre une décision rapide. J’ai donc subi un avortement sans le vouloir vraiment. À cette occasion quelqu’un m’a offert un petit lapin en peluche. »

Je ne voulais pas interrompre cette femme et n’ai pas demandé qui avait offert ce petit lapin en peluche. Elle continua : « Le jour de l’enterrement de ma grand-mère, il y a eu la mise en bière. J’ai pris le lapin et l’ai mis dans le cercueil. Sans doute, cela a-t-il un rapport avec ma rhinite ? »

Évidemment, je n’ai rien dit, je me suis contenté d’écouter. Cette femme avait vécu un drame qu’elle racontait à la faveur d’une consultation. Elle était dévastée. En mettant son lapin en peluche dans le cercueil, elle avait voulu enterrer le bébé qu’elle n’avait pas eu.

Dire que l’avortement est un droit, sans aborder le fond du problème, est léger. L’avortement est un acte grave pour la femme, le père de l’enfant, le médecin et la société toute entière car le fœtus, c’est ni plus ni moins un petit d’homme. L’oublier serait irresponsable.

Dr Raphaël Nogier, Lyon (69)

Source : Le Quotidien du médecin: 9540