Dans l’entreprise comme dans les programmes

La santé au travail, une thématique (presque) oubliée

Publié le 20/02/2012
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MÊME SI SON ORGANISATION a été récemment réformée (décrets de fin janvier 2012 sur les missions des services de santé au travail interentreprises, du médecin du travail, actions et moyens des membres de l’équipe pluridisciplinaire…), la santé au travail reste « un ghetto » dans les politiques publiques.

Trop spécifique pour être réductible à la santé publique, trop marginale pour attirer l’attention des grands ministères, elle est depuis longtemps le parent pauvre du monde de l’entreprise comme des discours politiques. Ce n’est pas un hasard si ce thème est peu abordé dans les projets santé des candidats à la présidentielle, au-delà de quelques lignes souvent convenues. Tel est le constat qui est ressorti des récentes rencontres Santé&travail.

Les experts regrettent que ces sujets n’aient pas davantage de poids. André Cicolella, président du réseau environnement santé, spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires, à l’origine de l’interdiction du bisphénol A dans les biberons et contenants alimentaires, souligne que la mobilisation sociale et politique ne s’est enclenchée sur ce sujet que lorsque…des nourrissons étaient menacés. « Pourtant des salariés fabriquent aussi ces boîtes de conserve ! On ne s’intéresse qu’à la santé du consommateur, pas à celle du producteur ».

Encore cet intérêt est-il récent. L’économiste Philippe Askenazy rappelle que dans les années 1980-1990, le travailleur devait être flexible, productivité oblige : « dans les tribunaux, on balayait la question de la santé au travail en faveur de la préservation de l’emploi », note-t-il, en évoquant le drame de l’amiante. Le capitalisme financier actuel ne s’intéresse pas davantage à cette question, aux yeux de ce même expert. « Le travail a été victime des politiques de l’emploi qui ont dégradé ses conditions, en créant la précarité ».

Affichage.

Certes, des signaux témoignent d’une montée en puissance de la santé au travail, comme la création de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ou l’inscription de quatre objectifs en lien avec le travail dans la loi de santé publique de 2004. Mais « tout cela reste marginal », déplore Bernard Cassou, professeur de santé publique. « C’est souvent une affiche pour les ARS qui se contentent d’écrire que les conditions de travail sont des déterminants de la santé (mais sans hiérarchie). Dans le plan "bien vieillir", on préconise de manger cinq fruits et légumes, de ne pas fumer ni boire, mais rien sur les conditions de travail », ironise-t-il.

Cette situation se traduit également par l’absence de considération pour le corps des inspecteurs du travail, auquel appartient Pierre Mériaux. Le syndicaliste (SNUTEFE-FSU) dénonce une « thrombose pénale » qui entrave leur action : si 700 postes ont été créés depuis 2006, les sanctions contre les employeurs restent lettre morte. Sur seulement 2 % de procès-verbaux, 60 % sont classés sans suite.

Tous les intervenants plaident en faveur d’un traitement politique, au plus niveau de l’État, des problématiques de la santé au travail, seule façon de donner une dimension publique à ces pathologies.

 C.G.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9086