La visite médicale dans la tourmente

Les médecins se montrent exigeants

Publié le 07/02/2011
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Crédit photo : S. Toubon/« le quotidien »

DEPUIS quelques semaines, les coups pleuvent sur la visite médicale. Mi-janvier, les propos de Martin Hirsch avaient fait l’effet d’une bombe dans la profession. L’ancien directeur de cabinet de Bernard Kouchner, également ancien administrateur de l’Agence européenne de l’évaluation des médicaments, n’y allait pas de main morte, pour éviter « un nouveau scandale sanitaire type Mediator » : « Bannissons les visiteurs médicaux des cabinets » proposait-il, dans le Journal du Dimanche, ajoutant que « sans l’influence de ces représentants de commerce, la France ne serait pas championne du monde de la consommation de médicaments ». La deuxième charge, moins frontale, est venue du gouvernement. Lors de la remise du rapport de l’IGAS sur le Mediator, Xavier Bertrand, au rang des priorités de réforme, insistait sur la nécessité de « plus encadrer la visite médicale ». Une séquence d’autant plus déstabilisante que les visiteurs médicaux (VM) subissent une très profonde restructuration, qui se traduit par des plans sociaux en série. La profession a perdu près de 6 000 emplois au cours des 6 dernières années, passant de 24 000 en 2004 à 18 300 aujourd’hui.

Pression commerciale.

Dernière salve en date : la désastreuse image donnée par la parodie d’une publicité d’Orangina, détournée par un visiteur médical mal inspiré (une VM déguisée en panthère fouettant un malheureux médecin pour l’inciter à prescrire un médicament…).

Si la profession est dans une passe difficile, avec en toile de fond un début de crise de confiance à l’égard du médicament, les médecins prescripteurs ne portent pas tous un jugement si sévère sur la visite médicale. Certes, le regard reste très critique mais la visite n’est pas accablée de tous les maux. « J’ai parfois observé une absence de niveau suffisant, estime le Dr Christian Jeambrun, président du SML. Mais si on leur pose les bonnes questions, la qualité des réponses s’élève ». Le président du SML admet qu’« ils sont soumis au résultat, si bien qu’ils sont parfois insistants ». Le Dr Michel Combier, président de l’UNOF (branche généraliste de la CSMF) touche un problème plus grave : « Il arrive qu’un VM me présente des indications d’un médicament en dehors de son AMM. Il faut absolument qu’il s’en tienne strictement à l’AMM ». À Union Généraliste, le Dr Claude Bronner se montre plus radical : « Si un VM me parle des avantages d’un produit, je réclame des preuves, sous la forme d’études fiables. S’il ne les a pas avec lui, ce qui arrive, je le mets à la porte ». Le Dr Claude Leicher, président de MG-France, a coupé les ponts : « J’ai reçu les visites de VM jusqu’en 2000, et depuis j’ai arrêté car la pression commerciale était devenue insupportable ».

La maîtrise des prescriptions.

La fin des visiteurs médicaux ? Peu de leaders syndicaux demandent la mort du petit cheval. Plutôt son évolution nécessaire. Pour le Dr Claude Leicher, « ou ce métier change, ou bien il disparaîtra. La VM à Papa, c’est fini ». Michel Combier reste positif : « Je regretterais qu’on interdise la VM car c’est pour moi une source d’informations ». Même tonalité du côté du Dr Jeambrun : « Je ne propose pas leur suppression, car je reste maître de mon comportement, de mes prescriptions. À moi de recouper les informations ». Claude Bronner pour sa part n’exclut pas une extinction progressive de la VM. « Le processus a déjà commencé ». Le coprésident d’UG souligne pourtant que « la qualité des informations délivrées par les VM est supérieure à celle des DAM (délégués de l’Assurance-maladie) ».

Y a-t-il une recette miracle ? Claude Bronner se hasarde : « si les VM disparaissent, il faudra les remplacer par autre chose, comme une information publique ». Christian Jeambrun suggère plutôt un aggiornamento : « Il faudrait revoir leur formation, trop interne, trop axée sur le marketing et pas assez sur le côté scientifique.Il faudrait peut-être aussi créer des comités chargés d’évaluer leurs plans de formation, dans lesquels siégeraient notamment les syndicats médicaux ». Quant à Claude Leicher, il estime qu’à côté des VM, pourrait se diffuser une information indépendante « placée sous l’autorité du Collège de médecine générale ».

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8901