Ophtalmos et généralistes vent debout contre les nouvelles délégations de tâches

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Publié le 22/10/2021

Crédit photo : S.Toubon

« Non à la médecine au rabais », « Les maladies sans symptôme, ça existe », « Ouvrez vos yeux, votre vue menacée » Banderoles à la main, une centaine de médecins ophtalmologistes et étudiants ont affiché leur mécontentement, ce vendredi, sous les fenêtres du ministère de la santé. Objet de leur colère : l'article 40 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2022 débattu à l'Assemblée nationale.

En effet, ce texte ouvre le droit à la prescription initiale, par les orthoptistes, de verres correcteurs ou de lentilles de contact et à la réalisation de certains dépistages comme celui de l’amblyopie, en accès direct et sans supervision médicale.

La veille déjà, avant l'examen de cet article, trois syndicats médicaux (CSMF, SNOF et UFML), huit sociétés savantes (SFO, SFOALC, COUF, SFG, CNP, SFM, SFR, CNJ Chirurgiens) et cinq associations de patients (Retinafrance, Inflam'Oeil, AFL+, France vascularite et Glaucome) avaient appelé à la suppression pure et simple de cet article. Le syndicat Avenir Spé dit soutenir ce mouvement et affirme vouloir les accompagner dans leurs revendications.

Cette évolution est jugée « absurde, dangereuse et inutile » par plus de 90 % des ophtalmos, selon une étude menée par le SNOF auprès de 1 986 praticiens. 95 % des répondants considèrent que ce transfert de compétences fait peser une menace sérieuse sur la qualité de la prise en charge des soins oculaires.

Elle représenterait même une « démédicalisation » du parcours de soins pour 89 % d’entre eux, tandis qu’ils sont 93 % à prévoir une hausse des retards de diagnostics et une augmentation de la gravité des pathologies avec à la clé une perte de chance pour les patients. 

Pas formés pour cette tâche

Selon le SNOF, la prescription et le dépistage des maladies oculaires requièrent un niveau de formation médicale que n’ont pas les orthoptistes (niveau bac +3). Pis, cette confusion des genres menacerait les avancées obtenues dans cette filière avec le travail aidé grâce à la « collaboration sous la supervision de l’ophtalmologiste », fait valoir le syndicat.

Auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat sur cet article, le directeur général de l'Assurance-maladie, Thomas Fatôme a expliqué que le dialogue se poursuivait avec la profession. « Si les délais se sont réduits, il reste des problèmes d'accès dans des territoires », a-t-il recadré.

Colère des généralistes

Cette délégation de tâches ne préoccupe pas seulement les spécialistes des yeux.

Deux autres amendements portés par les députés de la majorité et soutenus par Thomas Mesnier, rapporteur général du PLFSS, prévoient d'expérimenter les accès directs aux orthophonistes et aux kinésithérapeutes. De quoi faire grimper au rideau MG France qui, avant la présentation du budget, avait mis en garde le gouvernement contre toute nouvelle délégation de tâches.

Le syndicat de généralistes condamne ces évolutions « prises sans concertation », qui « grignotent des morceaux de métiers de généralistes ». Il appelle ses adhérents à se retirer des expérimentations SAS (service d'accès aux soins), tant que « ces textes ne seront pas rejetés ».


Source : lequotidiendumedecin.fr