Dr Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux

« Un praticien rémunéré au forfait a tendance à être moins performant... »

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Publié le 19/02/2018
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LE QUOTIDIEN : La stratégie de transformation du système de santé annoncée par Édouard Philippe vous fait redouter une « mise en pièces » du mode de rémunération des médecins libéraux. Pourquoi cette crainte ?

Dr PHILIPPE VERMESCH : Vouloir augmenter rapidement la part forfaitaire ou à l'épisode de soins en ville, comme l'annonce le Premier ministre, c'est passer à une forme de rémunération collectiviste, aux mains des hôpitaux ou des maisons de santé. C'est presque le retour d'un dogme ! Pour nous, c'est justement la rémunération à l’acte des médecins libéraux qui est synonyme de performance et de productivité. Un praticien rémunéré au forfait a tendance à être moins performant que quelqu’un qui se rémunère à l’acte. Les financements sont moins visibles et c'est moins motivant. 

Le forfait à l’épisode de soins, intégrant les soins pré et postopératoires et les réhospitalisations, c'est une mauvaise idée ?

En libéral, nous avons les plus grandes réserves au sujet de ce forfait à l'épisode de soins. On nous cite toujours la Suède en exemple, où quasiment tous les médecins sont salariés ! En France, un patient opéré en clinique par un chirurgien pour une prothèse de hanche ne voudra pas forcément se faire réopérer dans la même clinique en cas de problème. Avec la reprise chirurgicale intégrée au forfait global, comment va-t-on s’arranger entre les deux cliniques et les deux médecins pour honorer tout le monde ? Cela finira sur la responsabilité civile professionnelle... À l’hôpital cela peut s’envisager, mais pas en libéral.

Le gouvernement veut mieux réguler l'ONDAM des soins de ville. Vous craignez le retour de la maîtrise comptable ?

Oui. Emmanuel Macron nous avait promis un objectif national de dépenses maladie en hausse de 2,3 % en moyenne sur le quinquennat. Pour 2018, le taux a été fixé à 2,4 % pour les soins de ville. Mais déjà, cette stratégie de transformation du système de santé réclame des mesures de régulation dirigées vers le secteur libéral. Le message est donc que notre enveloppe diminuera avec une régulation du prix en fonction des volumes. Il y a de quoi être extrêmement méfiants. Les libéraux sont ceux qui coûtent le moins cher mais on continue à les enfoncer... 

J'ajoute que le budget annoncé pour opérer cette transformation, à savoir 100 millions d’euros annuels, est très insuffisant. Quand on sait que 200 milliards d'euros sont dépensés dans la santé chaque année, c’est du saupoudrage !

Que proposez-vous ?

Il faut absolument recadrer l’hôpital, qui coûte trop cher, dans son rôle de troisième recours. Cela passe par une réduction des effectifs, afin de dégager des moyens. Malheureusement, ce n’est pas en faisant des consultations hospitalières avancées dans les centres-villes, ou en multipliant les centres de santé, que cela va s’arranger !

Édouard Philippe dit que l’exercice isolé « doit devenir l'exception ». Qu’en pensez-vous ?

Pour moi, c’est choquant. Un praticien libéral veut toujours garder sa liberté de choix. L’exercice isolé n’est pas nécessairement l’avenir mais dans ce cas, incitons vraiment les médecins à se regrouper ! J’avais proposé, quand deux médecins isolés décident de se regrouper, d’avoir un vrai forfait structure permettant de payer une secrétaire. On pourrait aussi aider les médecins à monter leur dossier quand ils constituent un pôle de spécialistes pour l'accès aux soins non programmés. C'est là où il faut investir.

Retenez-vous quand même du positif dans cette stratégie ?

La valorisation de la qualité des soins, le virage numérique en santé, la prévention sont des idées intéressantes. Mais si on diminue l’ONDAM de ville, comment fait-on ? La pertinence des soins est louable et si la Haute autorité de santé (HAS) y travaille, cela permettra peut-être d'améliorer la rémunération sur objectifs de santé publique. Mais je crains que dans toutes ces annonces, on laisse encore le secteur libéral de côté…

Propos recueillis par Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9641