E-cigarettes

Le débat continue, faute de preuves

Publié le 22/10/2015
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De nombreuses questions subsistent autour des cigarettes électroniques, notamment quant à l’utilisation à long terme de certains des produits inhalés.

Les e-liquides des cigarettes électroniques renferment différents ingrédients : un solvant (propylène glycol et/ou glycérine 85-100 %), de la nicotine (0-2 %), de l’eau/éthanol (0-12 %), des arômes et/ou additifs (0-8 %) et des impuretés (0-1 %). Les cigarettes contiennent environ 6-12 mg de nicotine et les e-cigarettes 11-24 mg par cartouche. Les arômes (naturels ou artificiels) utilisés pour masquer le goût de la nicotine sont nombreux : tabac, menthe, fruits, chocolat, vanille, café… et auraient parfois un potentiel irritant ou toxique. Ainsi, la cannelle serait à éviter. En effet, si l’innocuité d’un arôme alimentaire est admise lorsque celui-ci est ingéré, il existe en revanche très peu de données sur les éventuels effets toxiques dus à leur inhalation. De plus, la résistance à la température de ces arômes est pour la plupart inconnue.

Par ailleurs, diverses études ont montré que les liquides de cigarettes électroniques pouvaient contenir des produits toxiques et des impuretés en plus des ingrédients principaux : des traces de nitrosamines spécifiques au tabac à des taux similaires que ceux des substituts nicotinique (bien inférieurs à ceux de la plupart des cigarettes) et de très faibles concentrations d’aldéhydes. L’inquiétude repose plutôt sur les composés de la phase liquide, dégradés par la chaleur et retrouvés dans la phase vapeur dont la composition reste à ce jour encore inconnue. La détection de tous ces produits n’est pas possible : il faudrait développer des méthodes analytiques spécifiques pour chacun des composés… Dans la vapeur des e-cigarettes, plusieurs études ont déjà trouvé des composés carbonylés tels que formaldéhyde, l’acétaldéhyde et l’acroléine (dus à la dégradation thermique du propylène glycol et du glycérol), de l’acétone, des nitrosamines, des alcaloïdes… ainsi que des traces de particules de métaux (nickel, étain, cuivre, argent, aluminium, cadmium, fer, chrome, plomb…), pouvant s’expliquer par le fait d’une contamination possible par les pièces métalliques de la cigarette électronique en contact avec le liquide.

Une étude réalisée avec un spectromètre de mobilité électrique (SMPS) a montré que la cigarette électronique émet 300-3 000 fois plus de particules que celles de l’air ambiant. Les conséquences pour la santé à long terme ne sont pas encore connues et des études sont nécessaires afin de faire un inventaire complet des produits chimiques des e-cigarettes et d’évaluer leurs effets sur la santé à court et long terme.

Effets sur le sevrage tabagique : trop peu d’études

L’évaluation de l’efficacité clinique de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique est très limitée. À l’heure actuelle, il n’existe que deux essais contrôlés randomisés ayant étudié l’efficacité de la cigarette dans le sevrage tabagique. L’étude ASCEND (1) a comparé l’efficacité de la cigarette électronique par rapport aux dispositifs transdermiques dans le sevrage tabagique. Elle a été menée sur un échantillon de 657 fumeurs suivis pendant 13 semaines : 295 ont reçu des patchs dosés à 21 mg de nicotine, 289 ont utilisé des cigarettes électroniques avec des cartouches préremplies d’un liquide à 16 mg/ml de nicotine et 73 ont utilisé des cigarettes électroniques sans nicotine. Les résultats ont montré que l’e-cigarette est aussi efficace que les timbres pour arrêter de fumer.

Des résultats similaires ont été obtenus chez un petit échantillon de patients schizophrènes. L’étude ECLAT (2) a été réalisée pendant 12 semaines chez 300 fumeurs non motivés par l’arrêt du tabac, répartis en 3 groupes : cartouches dosées à 7,2 mg/ml de nicotine, cartouches dosées à 7,2 mg/ml pendant 6 semaines, puis à 5,4 mg/ml et cartouches sans nicotine. Les résultats de cette étude ont démontré que les cigarettes électroniques, avec ou sans nicotine, pouvaient avoir un intérêt dans la réduction de la consommation de tabac ainsi que dans la prévention des rechutes pendant le sevrage, sans effets secondaires significatifs. La baisse du nombre de cigarettes journalières concernait 22,3 % des sujets à 12 semaines et 10,3 % à un an. Ainsi, si ces résultats sont encourageants, ils restent toutefois inférieurs à ceux obtenus en utilisant les traitements médicamenteux et le soutien psychologique, qui restent la référence dans le sevrage tabagique, en raison notamment des incertitudes liées aux risques à long terme de la cigarette électronique.

(1) Bullen et al. Lancet 2013

(2) Caponetto et al. PLOS One 2013

D’après les communications de E. Zervas : E-cigarettes constituents and particle emission, C. Vardavas : Time for e-cigarette regulation et P. Katsaounou : E-cigarettes for smoking cessation

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9443