Chez l’enfant en cas de mauvais pronostic

Enfin des thérapies ciblées en oncopédiatrie

Par
Publié le 01/07/2019
Article réservé aux abonnés
cancer enfant

cancer enfant
Crédit photo : Phanie

Pour la première année à l'ASCO, des essais menés avec deux thérapies ciblées chez des enfants et adolescents avec des tumeurs solides rares de mauvais pronostics, réfractaires ou récidivantes, en impasse thérapeutique, ont été présentés. Ces tumeurs étaient porteuses d'un réarrangement génomique rare : le gène de fusion NTKR (neutrophin tropmyosine kinase receptor), présent dans 0,3 % de l'ensemble des cancers.

La première étude de phase 1/1B (1), avait pour objectif d'évaluer la réponse thérapeutique de l'entrectinib, inhibiteur oral de gènes de fusion NTKR, ROS1 et ALK. Cet essai a inclus 29 enfants et jeunes adultes, âgés de 4,9 mois à 20 ans, atteints de tumeurs solides cérébrales ou extracérébrales réfractaires ou récidivantes avec des altérations moléculaires des gènes de fusion NTRK, ROS ou ALK, et des neuroblastomes. Dans 100 % des cas, une réponse rapide et prolongée a été observée avec l'entrectinib chez tous les enfants (n = 11) atteints de tumeurs du système nerveux central (SNC) et extracérébrales avec gènes de fusion NTRK, ROS1 ou ALK.

Larotrectinib, ATU de cohorte en France

La seconde étude internationale (2) a évalué l'efficacité et la sécurité d'emploi du larotrectinib, autre inhibiteur de gène de fusion NTRK, chez 38 enfants et adolescents (<18 ans), dont 6 inclus par l'Institut Curie et Gustave Roussy. L'âge médian des enfants était de 2,3 ans et ceux présentant des tumeurs du SNC étaient exclus. La réponse globale a été de 94 %. « Le larotrectinib a une ATU de cohorte en France et est en cours d'évaluation par l'EMA, indique le Pr Gilles Vassal (directeur de la recherche clinique, Gustave Roussy, Villejuif). Aux Etats-Unis, le larotrectinib a une indication « agnostique » chez l'adulte et l'enfant ».

Le portrait moléculaire de la tumeur

« Ce sont des résultats remarquables. Nous sommes enfin entrés dans l'aire des thérapies ciblées pour les enfants qui ont des tumeurs solides, se félicite le Pr Vassal. La caractérisation génomique des tumeurs a transformé l'approche thérapeutique en oncopédiatrie, permettant de proposer aux enfants des thérapeutiques ciblées ». La France est pionnière en la matière. « Depuis 4 ans, en France, MAPPYACTS, programme de diagnostic moléculaire en situation de rechute ou de maladie réfractaire, promu par Gustave Roussy, permet de réaliser le séquençage du génome tumoral entier (whole genome) et de l'ARN (ARNseq) grâce à deux plateformes de génomique afin d'identifier des cibles biologiques accessibles à un traitement ». Ces travaux font partie du plan France Médecine Génomique 2025. « 600 enfants au cours des 4 dernières années ont participé à ce programme, dont 15 à 20 % ont été inclus dans des essais de phase précoce. C'est l'ouverture d'un champ complètement nouveau de médecine personnalisée en oncopédiatrie », indique le Pr Vassal.

« De même, à l'initiative de Curie, explique le Pr François Doz (Centre SIREDO & Université Paris Descartes), l'étude MICCHADO vise à la caractérisation moléculaire et immunologique des cancers pédiatriques à haut risque, et au diagnostic, pendant le traitement et le suivi. L'inclusion a débuté en avril 2018. La durée de l'étude est de 3 ans. L'objectif est de proposer plus tôt un traitement de deuxième ligne efficace. »

Cependant, le portrait moléculaire a ses limites : une seule cible oncogénétique ou voie « driver » n'est pas toujours responsable à elle seule de l'oncogenèse. La situation avec l'entrectinib ou le larotrectinib reste exceptionnelle. De plus, il reste à déterminer le profil de tolérance à long terme de ces thérapies ciblées. « La qualité du suivi sera déterminante », insiste Gilles Vassal.

(1) Robinson GW. et al. abstr 10009
(2) Van Tilburg CM. et al. abstract 10010

Dr Sylvie Le Gac

Source : Le Quotidien du médecin: 9762