Vers un changement de PARADIGM dans les tumeurs colorectales

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Publié le 06/07/2022
L’étude PARADIGM est la première à mettre en évidence la supériorité du panitumumab sur le bevacizumab, associé avec la chimiothérapie, en première ligne des cancers colorectaux (CCR) métastatiques (CCRm) à localisation colique gauche, non RAS mutés. Le panitumumab devrait devenir le traitement ciblé de référence dans cette situation.
Chez trois quarts des patients inclus, les tumeurs étaient localisées au niveau du colon gauche

Chez trois quarts des patients inclus, les tumeurs étaient localisées au niveau du colon gauche
Crédit photo : Phanie

Dans le CCRm de type RAS sauvage (wt : wild type), c'est à dire non muté, le traitement de première ligne repose sur la chimiothérapie FOLFOX associée soit à un inhibiteur du VEGF (bevacizumab), soit à des inhibiteurs de l'EGFR (panitumumab ou cetuximab). Dans les tumeurs du colon droit, de plus mauvais pronostic, la résistance aux anti-EGFR est plus fréquente. En revanche, dans les CCR gauche, les anti-EGFR seraient plus efficaces que les anti-VEG selon certaines analyses rétrospectives, mais les preuves formelles font défaut. L'objectif de l'étude PARADIGM (1) était donc de pallier ce manque de données comparatives entre anti-VEGF et anti-EGFR, en particulier concernant leurs effets en fonction de la localisation tumorale.

Cette étude de phase 3 japonaise a inclus 823 patients âgés de moins de 69 ans, atteints de CCRm RASwt, non résécable. Ils n'avaient pas reçu de chimiothérapie préalable, étaient en bon état général (ECOG de 0 à 1) et possédaient une espérance de vie d’au moins trois mois. Entre mai 2015 et juin 2017, ils ont été randomisés pour recevoir, en plus de la chimiothérapie mFOLFOX6, le panitumumab ou le bevacizumab. Ils étaient relativement jeunes (41 % de moins de 64 ans) et un tiers était des femmes. Dans trois quarts des cas, les tumeurs se trouvaient localisées au niveau du colon gauche (312 dans le groupe panitumumab et 292 dans le bras bevacizumab). Parmi les patients, deux tiers avaient été traités antérieurement par résection tumorale et 70 % présentaient des métastases hépatiques, isolées dans 30 % des cas.

Plus de trois ans de survie globale sous panitumumab

Après un suivi moyen de cinq ans, les résultats ont été analysés, d'une part, dans les tumeurs du colon gauche et, d'autre part, au sein de la population générale de l'étude (toutes localisations confondues). Dans les tumeurs du colon gauche, la médiane de survie globale (SG), critère principal, s’est révélée supérieure dans le bras panitumumab que sous bevacizumab : 37,9 versus 34,3 mois. Le nombre de décès était ainsi réduit de 18 % (HR = 0,82, p = 0,031). « C’est la plus longue survie rapportée dans un essai de phase 3, avec un traitement de première intention dans le CCRm non opérable », se félicite le Dr Takayuki Yoshino (Japon).

Dans la population globale, la survie atteint 36,2 mois dans le groupe panitumumab (versus 31,3 mois avec le bevacizumab), soit une diminution de 16 % du risque de décès (HR = 0,84, p = 0,03). Par contre, aucun bénéfice significatif en SG n’est constaté dans les tumeurs du colon droit. Bien que la survie sans progression (SSP) soit comparable entre les deux bras, le taux de réponse est meilleur sous panitumumab, aussi bien pour les CCR gauche (80,6 % versus 68,6 %) qu’en population générale (74,9 % versus 67,3 %). Il en est de même concernant la profondeur de la réponse. Ceci se traduit par un taux plus élevé de résections secondaires.

Un profil de tolérance similaire

Concernant les effets secondaires, la tolérance du panitumumab a été conforme aux attentes pour une molécule utilisée depuis une quinzaine d'années. Par rapport au bevacizumab, il a été observé plus de dermatites acnéiformes, de stomatites, mais un taux similaire de neuropathies sensitives périphériques ou de baisse des neutrophiles. Au total, il a été rapporté sous panitumumab 99,5 % d’effets indésirables (versus 98 % sous bevacizumab), 71,8 % de grade 3 ou plus (versus 64,9 %). Les effets indésirables sévères en relation avec le traitement de l'étude étaient respectivement de 17,8 % versus 10,8 %. De plus, 23,8 % versus 18,4 % des effets secondaires ont conduit à un arrêt de traitement.

Rechercher systématiquement le statut mutationnel

L’essai PARADIGM confirme donc la supériorité en première ligne du panitumumab, comparé au bevacizumab, en association avec le mFOLFOX6. Il souligne aussi l’importance des tests RAS lors du diagnostic initial du CCRm, permettant ainsi d’adapter le traitement de première intention en fonction de leurs résultats et de la localisation. « Dans les cancers coliques, la présence d’un statut mutationnel RASwt incite à privilégier l’association du panitumumab au protocole mFOLFOX6, mais uniquement dans les localisations tumorales gauches », conclut le Dr Yoshino.

(1) Yoshino T et al. Panitumumab (PAN) plus mFOLFOX6 versus bevacizumab (BEV) plus mFOLFOX6 asfirst-line treatment in patients with RAS wild-type (WT) metastatic colorectal cancer (mCRC) : Results from the phase 3 PARADIGM trial, abstract LBA1

Dr Maia Bovard Gouffrant
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Source : Le Quotidien du médecin