Vers une VISION novatrice dans les tumeurs de la prostate

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Publié le 16/07/2021
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Deux approches très différentes pourraient changer la prise en charge dans le cancer de la prostate (CP) métastatique. En effet, deux études, VISION dans les tumeurs hormonorésistantes et PEACE pour les hormonosensibles, pourraient venir bouleverser la stratégie thérapeutique…
Le cancer de la prostate métastatique résistant à la castration restait jusqu’ici dénué de solutions thérapeutiques efficaces

Le cancer de la prostate métastatique résistant à la castration restait jusqu’ici dénué de solutions thérapeutiques efficaces
Crédit photo : phanie

Le cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (CPRCm) restait jusqu’ici dénué de solutions thérapeutiques efficaces. Mais cette situation pourrait bien changer grâce au développement d’une voie innovante…

Moins 38 % de décès avec l’immuno-radiothérapie

En séance plénière, Michael J. Morris (États-Unis) a présenté les premiers résultats de l’étude VISION (1) obtenus avec le 177Lu-PSMA-617, une thérapie par un ligand du PMSA (Prostate-Specific Membrane Antigen) couplé à du 177Lu, délivrant ainsi l’isotope aux cellules métastatiques exprimant le PSMA et au micro-environnement tumoral.

Cet essai international de phase 3, était mené chez 831 patients traités antérieurement par anti-androgéniques et taxanes.  Ils ont été randomisés pour recevoir le traitement standard (TS) seul (n = 280) ou associé au 177Lu-PSMA-617 (n = 551). La positivité au PMSA a été évaluée par une 68Ga-PSMA-11 PET. Le TS était déterminé par l'investigateur mais excluait les cytotoxiques et le radium-223. Le suivi médian était de 20,9 mois.

Les deux critères principaux étaient significativement améliorés par le 177Lu-PSMA-617, qu’il s’agisse de la survie sans progression (SSP) médiane évaluée par l’imagerie (8,7 versus 3,4 mois ; HR = 0,40, p < 0,001) ou de la survie globale (SG) médiane (15,3 mois versus 11,3 mois ; RR = 0,62, p < 0,001). Cette immuno-radiothérapie permet donc de réduire de 38 % la mortalité dans les CP métastatiques progressant malgré la chimiothérapie et les antiandrogènes. « On attend d’autres résultats sur le suivi, mais le gain en survie chez ces patients atteints d'un CPRCm PSMA+ à un stade avancé est en faveur de son adoption comme nouveau standard thérapeutique dans cette population », commentait le Pr Jean-Yves Blay, directeur général du centre Léon-Bérard (Lyon) et président d'Unicancer.

Le bénéfice se retrouvait aussi dans les principaux critères d'évaluation secondaires comme les taux de réponse et de contrôle de la maladie, ainsi que le délai jusqu'à l’apparition des premiers symptômes osseux. Le traitement a été globalement bien toléré, malgré un nombre plus élevé d'effets indésirables de haut grade (52,7 % avec le 177Lu-PSMA-617 versus 38 %), essentiellement hématologiques. 

Deux ans de survie supplémentaires en associant l’abiratérone

Dans 10 % des cas, le diagnostic de CP se fait au stade métastatique d’emblée. Le traitement standard a rapidement évolué, puisque depuis 2015, l’association à l’hormonothérapie classique de nouvelles hormonothérapies et de la radiothérapie locale, en cas de métastases de petit volume, a fait la preuve de son bénéfice. Mais se pose la question de l’intérêt d’associer d’emblée les différents traitements…

Ainsi, l’essai européen de phase 3 PEACE (2), promue par UNICANCER et présentée à l’ASCO 2021 par le Pr Karim Fizazi (Gustave Roussy), a évalué l’association de l’abiratérone, hormonothérapie de nouvelle génération, à une hormonothérapie classique et une chimiothérapie.

Les 1 173 patients inclus entre novembre 2013 et décembre 2018 ont été randomisés pour recevoir soit le traitement standard seul (incluant le docétaxel dès 2015, 710 patients au total) ou associé à la radiothérapie, soit le traitement standard associé à l’abiratérone ou à l’abiratérone/radiothérapie. Ce design a permis d’éliminer une interaction entre l’abiratérone et la radiothérapie.

L’association à l’abiratérone réduit de moitié le risque de progression tumorale et augmente de deux ans et demi la SSP (4,5 versus 2,2 ans, p < 0,0001) chez ces patients atteints d’un CP hormonosensible d’emblée métastatique. Les résultats étaient identiques dans tous les sous-groupes, notamment que les patients aient reçus ou pas de radiothérapie ou du docétaxel. Aucune différence significative n’était observée concernant les effets indésirables.

Il est encore trop tôt pour évaluer la survie globale mais les données sont très encourageantes et pourraient amener à positionner l’abiratérone en première ligne de traitement, en association avec la chimiothérapie ou la radiothérapie.

(1) Morris MJ et al. Abstract LBA4
(2) Fizazi K et al. Abstract 5000

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin