Cas pratique : ulcère de jambe après alitement prolongé

Publié le 14/02/2013
Article réservé aux abonnés

À L’EXAMEN : ulcère de 3 cm, ovalaire, à bords souples, légèrement douloureux, dont le fond présente des zones atones avec un enduit jaunâtre et des zones bourgeonnantes ; on constate par ailleurs la présence de plaques de dermite ocre au niveau des malléoles et du tibia, d’un petit œdème du tiers inférieur de la jambe et de varices mal systématisées à la face postéro-interne des deux jambes.

Origine veineuse.

Plusieurs arguments cliniques plaident en faveur de l’origine veineuse de l’ulcère :

- le sexe féminin, l’âge supérieur à 70 ans, le surpoids, les antécédents de phlébite, la présence d’un syndrome postphlébitique (varices), l’alitement prolongé ;

- la localisation de l’ulcère, classiquement dans la région périmalléolaire jusqu’au tiers inférieur de la jambe, son caractère superficiel, exsudatif et peu douloureux, sa taille (les ulcères artériels sont souvent plus petits), la présence de signes associés d’insuffisance veineuse chronique (varices, dermite ocre, œdème).

Écho-doppler.

L’écho-doppler veineux, en position debout et couchée, est indispensable pour affirmer le diagnostic ; il précise le mécanisme de l’ulcère, reflux ou obstruction, et la localisation des reflux (veines superficielles et/ou profondes et/ou perforantes). Un écho-doppler artériel des membres inférieurs avec mesures des pressions systoliques est également indiqué. Des comorbidités (HTA, diabète, hypercholestérolémie) sont à rechercher.

Prise en charge.

Le traitement associe :

• des mesures hygiéno-diététiques : régime en cas de surpoids, lutte contre la sédentarité, hygiène locale parfaite, vérification de la vaccination antitétanique ;

• le traitement de l’œdème : compression de haut niveau (au moins 35 mmHg à la cheville), par des bandes élastiques à étirement court ou long, ou multicouches, mises en place avant le lever et portées toute la journée, surélévation des pieds du lit (10 cm) pour faciliter le retour veineux, séances de kinésithérapie pour mobiliser l’articulation tibiotarsienne et favoriser l’effet pompe, marche quotidienne ;

• le traitement de la plaie :

- à la phase de détersion : nettoyage à l’eau savonneuse et détersion mécanique après application d’une crème anesthésique. Si l’ulcère est sec : application d’hydrogel laissé 48 heures et recouvert d’un pansement peu absorbant hydrocolloïde. S’il est exsudatif : pansement à l’alginate de calcium ou hydrofibre. En cas de surinfection : pansement à l’argent changé quotidiennement ; un prélèvement n’est pas nécessaire ; une antibiothérapie générale peut être indiquée.

- aux phases suivantes de bourgeonnement puis de réépidermisation, 3 types de produits peuvent être utilisés : les tulles neutres, les pansements hydrocolloïdes ou hydrocellulaires et les alginates de calcium (action hémostatique) ; ils peuvent être laissés en place 4 à 5 jours. La peau autour de l’ulcère doit être surveillée ; en cas de rougeur ou d’inflammation : appliquer une pâte à l’eau ou, s’il existe des lésions de dermite, une crème corticoïde ou un mélange corticoïde-pâte à l’eau. Une biopsie cutanée peut être indiquée pour dépister un carcinome épidermoïde.

La chirurgie est indiquée en cas de reflux au niveau des veines superficielles, sans reflux ni obstruction des veines profondes, et en l’absence d’atteinte artérielle.

Une greffe doit être envisagée systématiquement quand, malgré un traitement correct, l’ulcère persiste au-delà de 6 mois et mesure plus de 10 cm2.

D’après un entretien avec le Dr Jocelyne Augereau (angiologue, Paris).

 Dr HÉLÈNE COLLIGNON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9218