Télésuivi des maladies chroniques

Des bénéfices mais aussi des risques à évaluer

Publié le 17/11/2011
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Crédit photo : BSIP

Cinq maladies chroniques sont bien documentées : l’insuffisance cardiaque et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’asthme, l’hypertension artérielle (HTA) et le diabète.

Sur le plan clinique, les effets bénéfiques de la télésurveillance à domicile sont surtout nets chez les patients présentant un diabète, un asthme ou une HTA. Ainsi, chez les diabétiques de type 2, un meilleur contrôle de la glycémie et des signes associés au diabète est rapporté et ce, dans un délai rapide de quelques mois. « Chez les asthmatiques, il existe également un consensus sur les bénéfices rapides en termes de mesure du débit expiratoire de pointe et de qualité de vie, souligne le Pr Guy Paré. De même, chez les hypertendus, une baisse significative des valeurs tensionnelles et une meilleure adhésion au régime sont observées ».

Les résultats sont en revanche plus contrastés dans les pathologies plus complexes, certaines études soulignant des bénéfices, d’autres non. Dans la BPCO, peu d’études ont analysé le critère « nombre d’exacerbations », qui est pourtant essentiel. Dans l’insuffisance cardiaque, le critère d’évaluation jusqu’alors le plus souvent utilisé est le taux de mortalité et les études, d’une durée relativement courte de 4 à 6 mois, échouent à démontrer une baisse de la mortalité. Certaines études se sont penchées sur des critères structuraux, tels que les consultations en salle d’urgence ou les hospitalisations, avec là encore des résultats discordants, ce qui doit conduire à de plus amples évaluations.

Au-delà des données cliniques, les études ont permis d’évaluer l’impact de la télésurveillance sur les attitudes des patients. Dans la majorité des cas, une satisfaction des patients est rapportée. « La télésurveillance procure en effet un sentiment de sécurité accrue, dans une patientèle vulnérable constituée de sujets âgés », note le Pr Paré. En outre, une plus grande autonomisation des patients vis-à-vis de leur santé est observée. Des études, encore trop rares, montrent ainsi que les patients sont plus vigilants, plus respectueux de leur régime.

Mais dans d’autres cas, notamment chez les sujets les plus âgés ou chez ceux ayant des difficultés à comprendre la complexité de la maladie, le patient s’en remet à l’outil ou à l’infirmière qui fait le suivi à distance et devient très dépendant de la technologie. « Ceci doit inciter à établir des objectifs personnalisés en fonction de chaque type de patient ».

Un autre effet surprenant de la télésurveillance est cette fois noté chez les infirmières. « Alors que nous pensions que la technologie créerait une distance relationnelle entre le personnel soignant et le patient, certaines infirmières font part au contraire d’un sentiment de rapprochement avec le patient, sans doute lié au caractère quotidien du suivi qui s’accompagne d’une vision plus précise de l’impact de la maladie sur la vie de tous les jours », expose le Pr Paré. Ceci peut entraîner une lourdeur émotionnelle chez les infirmières. Chez les infirmiers, la distance reste par contre plus importante.

Toujours au chapitre des « risques » liés à la télésurveillance à domicile dans les maladies chroniques : le sentiment de surcharge de travail pour le personnel infirmier. « La logique de la télésurveillance est d’intervenir au bon moment, ce qui peut conduire à dépêcher une infirmière sur place en cas d’urgence, alors qu’elle a toujours sa charge de travail par ailleurs. Nous n’avons sans doute pas poussé la réflexion assez loin en termes d’organisation du travail, mais des projets devraient permettre de répondre à cette problématique ». La viabilité économique de ce nouveau modèle d’organisation des soins mérite également d’être mieux évaluée, même si certains indices, notamment la baisse du nombre d’hospitalisations et de la durée des séjours, la laissent présager.

« Enfin, au niveau méthodologique, il nous faut analyser la pérennité des effets sur le plus long terme : après cessation de la télésurveillance, les bénéfices se prolongent-ils ou non ? Un travail dans ce sens est en cours », conclut le Pr Paré.

D’après un entretien avec le Pr Guy Paré, Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en TI dans le secteur de la santé, HEC Montréal, Canada.

Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9043