L’endoscopie assistée par l’IA permet un grand bond en avant pour le diagnostic. À quelle échéance sera-t-elle accessible sur l’ensemble du territoire ?
Actuellement, les nouvelles générations de consoles d’endoscopie se déploient. La durée de vie d’une génération d’endoscopes étant de cinq à sept ans, l’IA sera présente dans tous les plateaux techniques d’ici quelques années à peine. Avec l’arrivée des algorithmes, l’endoscopie digestive a amorcé une transition disruptive. Alors que la qualité des images a considérablement évolué depuis les années 2010 grâce aux endoscopes de très haute définition, nous vivons un tournant dans l’endoscopie diagnostique. En parallèle, la spécialité se transforme, passant d’une endoscopie digestive essentiellement diagnostique à une technologie de plus en plus thérapeutique.
Quels sont les bénéfices individuels de cette technique novatrice ?
Une méta-analyse récente de cinq études randomisées a démontré l’augmentation significative du taux de détection des adénomes, quelle que soit leur taille, grâce à l’endoscopie assistée par l’IA par rapport à l’Homme : elle atteint près de 50 % (36,6 % versus 25,2 %). Elle prouve ainsi l’amélioration de la qualité des coloscopies de dépistage grâce à l’IA (1). Le taux de détection des polypes étant corrélé à la prévention du cancer colorectal, l’IA est une aide substantielle surtout pour repérer les adénomes plans (peu visibles), comme les festonnés. Si aucune étude n’a encore conclu à la diminution de l’incidence du cancer colorectal, on peut aisément imaginer que, dans quelques années, l’IA aura prouvé son rôle dans la diminution de la mortalité due à ces tumeurs digestives.
L’IA représente aussi une assistance au diagnostic. Les algorithmes permettent déjà de caractériser, avec une haute performance, les types de polypes détectés (hyperplasiques, lésions festonnées, adénomes) et leurs éventuels stades de dysplasie. L’IA guide la thérapeutique, en l’occurrence le type de résection le plus adapté au degré de différenciation cancéreuse ou précancéreuse (en monobloc ou en fragments). En effet, elle permet de se fonder sur des caractéristiques précises de surface et ainsi d’améliorer la qualité des résultats de la technique de résection.
Outre la détection automatisée des polypes, l’IA aide aussi à la prédiction de leur histologie au cours d’une coloscopie (en temps réel et sans subjectivité) en réduisant le risque de lésion manquée, de cancer d’intervalle et les coûts engendrés par une analyse histologique parfois inutile. C’est un triple bénéfice ! Si la caractérisation à l’aide de l’IA permet de différencier le type de polypes (hyperplasiques, adénomateux ou festonnés), alors les polypectomies inutiles seront en effet réduites, diminuant ainsi les risques liés à leurs complications.
Quelles sont à court terme les transformations à venir ?
L’augmentation du nombre de polypes détectés grâce à l’IA, surtout les adénomes diminutifs et les petits adénomes, n’est pas sans conséquence sur le protocole de surveillance ultérieur. La SFED a d’ailleurs revu récemment ses recommandations de surveillance post-polypectomie, et le nombre de polypes détectés influera sur les intervalles de surveillance.
L’IA peut aussi permettre, notamment dans la phase d’apprentissage des jeunes endoscopistes, d’évaluer la complétude d’un examen endoscopique. Des solutions d’IA testent en effet la vérification des critères de qualité (taux d’intubation cæcale, temps de retrait, score de Boston), mais également le repérage d’autres anomalies (ulcérations, lésions vasculaires…).
Même si la validation humaine reste incontournable, l’étape suivante est l’obtention de logiciels fournissant un compte rendu standardisé d’endoscopie et d’analyse des images. Ceux-ci permettraient d’homogénéiser la rédaction sur le territoire national, afin d’en améliorer la qualité, et de renforcer la recherche, en créant d’importantes bases de données utiles aux études épidémiologiques.
Enfin, l’IA se développe également dans l’endoscopie digestive haute : reconnaissance de la dysplasie au sein de l’endobrachyœsophage, diagnostic des cancers superficiels gastriques (3), prélecture automatisée des vidéocapsules endoscopiques, microscopie confocale...
Comment cette révolution technologique améliore-t-elle les performances des médecins et la qualité des soins ?
L’IA ne se substitue pas à l’humain mais l’implique dans un processus constant d’apprentissage et d’amélioration de la qualité. Elle aboutit finalement à une élévation du niveau d’exigence, dont celui de relever le taux de détection d’adénome colorectal au-delà du seuil actuel de 25 %. Elle permettra ainsi d’homogénéiser le niveau des pratiques en endoscopie sur le territoire, lesquelles sont encore trop variables (2).
L’augmentation de la qualité de manière générale passe par la standardisation des pratiques et la promotion de l’enseignement. L’endoscopie n’est pas qu’une technique et un instrument. C’est un art qui requiert un apprentissage sérieux de l’endoscopie diagnostique, puis thérapeutique (niveau 1 à 3), et donc le passage par un diplôme d’études spécialisées d’hépato-gastroentérologie en cinq ans minimum.
(1) Hassan C et al. Gastrointest Endosc. 2021 Jan;93(1):77-85.e6.
(2) Bretagne JF et al. World J Gastroenterol.2016 ;22(38) :8549-57.
(3) Wu L et al. Endoscopy. 2021 Dec;53(12):1199-1207.
Article suivant
Pancréas : des tumeurs à suivre
« Une qualité d’endoscopie optimisée avec l’intelligence artificielle »
Pancréas : des tumeurs à suivre
Quels sont les risques avérés des IPP ?
Alcool : deux millions de consommateurs à risque
L’échographie bientôt incontournable dans les MICI
Cancer de l’œsophage : l’immunothérapie adjuvante change la donne !
Avantage à la dissection sous-muqueuse
Fibrose hépatique : dépister grâce au FIB-4
Les SMS des JFHOD
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?