Peu de preuves pour la progestérone

Publié le 19/11/2021
Article réservé aux abonnés
Si la prescription de progestérone paraît logique dans plusieurs indications obstétricales, elle s’est avérée non efficace en pratique dans la plupart de ces situations. Elle peut être utile chez les femmes à risque de prématurité à col court.
Une prescription qui permet souvent de répondre à la souffrance des couples, en l’absence d’alternative concrète

Une prescription qui permet souvent de répondre à la souffrance des couples, en l’absence d’alternative concrète
Crédit photo : phanie

La progestérone est une hormone stéroïdienne qui, dans le cycle ovarien, inhibe les contractions rythmiques de la musculature utérine et crée un silence utérin, sans lequel toute gestation serait impossible. Elle imprègne la muqueuse utérine pour le rendre propice à la nidation. C’est la chute de la progestéronémie qui permet le début des contractions du travail, alors qu’une action antiprogestérone est utilisée pour les avortements.

Inutile dans les fausses couches à répétition

Les fausses couches spontanées à répétition (FCSR) touchent de 2 à 5 % des couples, et un tiers restent sans réponse concernant leur étiologie.

Les déficits de la phase lutéale restent une cause controversée de FCSR. Doser la progestéronémie en phase lutéale moyenne ne présente pas d’intérêt, notamment parce qu’aucun traitement n’a montré son efficacité dans ce contexte, en cycle naturel. La revue de littérature Cochrane 2021 sur l’éventuel lien entre traitement par progestérone et FCSR – déjà un peu maigre puisqu’elle ne se fonde finalement que sur un seul essai randomisé ! – conclut que la progestérone vaginale n’a probablement pas, ou très peu, d’effet sur le risque de fausses couches au premier trimestre, qu’elles soient d’origine inexpliquée, ou liées à une insuffisance lutéale suspectée.

Néanmoins, la progestérone reste facilement proposée, en l’absence d’alternative concrète pour ces couples parfois désespérés, alors que son usage est très sécuritaire pendant la grossesse (aucun effet secondaire retrouvé chez les enfants jusqu’à l’âge de 8 ans). Il serait sans doute plus pertinent de rechercher une endométrite chronique à traiter (bien que taux de plasmocytes définissant le diagnostic soit débattu, lui aussi !), ou de recourir au diagnostic préimplantatoire à la recherche d’aneuploïdies (DPI-A), mais la révision de la loi bioéthique ne nous le permet toujours pas à ce jour en France, à la différence de pays frontaliers comme la Suisse. Pour rappel, le DPI-A consiste seulement à compter les chromosomes d’une cohorte d’embryons vers J3 (pas de diagnostic de sexe)… Cela sous-tend déjà d’avoir obtenu une réponse normale à la stimulation ! Une étude récente retrouve une diminution du taux de fausses couches grâce au DPI-A.

Dans le cadre de métrorragies du premier trimestre, il n’existe pas non plus, en 2021, de preuve scientifique d’un éventuel intérêt à prescrire de la progestérone. Son intérêt en cas de fausses couches récidivantes associées à des métrorragies doit cependant toujours être exploré de manière spécifique.

Prématurité : oui mais

La progestérone n’a pas non plus d’effet pour diminuer la prématurité, selon deux essais récents, sur 1 228 (Opptimum), presque 800 (Progress study) et 1 708 femmes (Prolong). En revanche, la métaanalyse PPIC, rassemblant plus de 11 000 femmes asymptomatiques à risque élevé, a conclu à une réduction d’environ 20 % du risque d’accouchement prématuré avant 34 SA, sans retrouver d’effet si le col était mesuré à plus de 30 mm. Chez les femmes à haut risque, on peut donc prescrire 200 µg de progestérone intravaginale (col court), voire injectable (en cas d’antécédent de prématurité), commencée plutôt vers 16SA (voire jusqu’à 24SA ?), et ce jusqu’à 34 à 36 SA.

Toutefois, cette prescription n’a clairement pas sa place dans le cadre d’une menace avérée d’accouchement prématuré et, selon les données actuelles n’a pas d’intérêt non plus, de manière générale, en cas de grossesse gémellaire.

Session « La progestérone en obstétrique »

Dr Océane Pécheux

Source : Le Quotidien du médecin