Les analyses de l’importance du statut VIH+ sur le pronostic de l’infection à Covid-19 sont variées. Leurs conclusions vont d’une nette surmortalité à un effet limité, comme le suggère une récente étude britannique présentée à la Croi (1). Des résultats mitigés donc, probablement liés aux cofacteurs générateurs de biais, notamment le contrôle du VIH.
Étude rétrospective de cohorte multicentrique
Le travail britannique présenté à la Croi est une étude d’appariement rétrospective multicentrique. Tous les cas index VIH+/Covid-19 (PCR+) hospitalisés entre le 1er février et le 31 mai 2020 au sein de six hôpitaux anglais ont été recensés. Soit 68 cas. Ils ont été appariés, dans un ratio 1/3, avec 181 sujets de même sexe, même âge ± 5 ans et même date de test ± 7 jours, hospitalisés dans le même centre pour Covid-19 (PCR+), mais VIH-. Le critère primaire retenu est l’amélioration d’au moins deux points du score clinique (score OMS : 0-7) et/ou la sortie de l’hôpital avant J28. Le suivi porte sur 28 jours après l’hospitalisation pour Covid-19.
Globalement ces sujets VIH+ sont sous traitement antirétroviral (92 %), la grande majorité ont une charge virale indétectable (97 % < 200 copies/mL). Leur taux médian de CD4 est autour de 350 cellules/µl.
« L’analyse montre que les VIH+ ont moins de chances de s’améliorer cliniquement et/ou de sortir de l’hôpital avant le 28e jour (RR = 0,57 [0,4-0,8] ; p = 0,005), par comparaison aux VIH- appariés. Néanmoins, après ajustements, en particulier sur la fragilité et la présence d’une tumeur, cette différence s’atténue. Et, globalement, leur mortalité − 19,1 % vs 19,3 % à J28 − et le taux de sujets ventilés − 23 % vs 17 % − ne diffèrent pas significativement entre VIH+ et VIH- appariés », résument les auteurs (1).
Si l’on se penche plus attentivement sur ces deux populations, on retrouve le même nombre médian de comorbidités (n = 2) et des IMC médians très comparables (27,7 vs. 29,4 kg/m2). En revanche, bien que la différence ne soit pas significative, les VIH+ tendent à avoir un score de fragilité plus élevé (3 vs. 2/7 en médian) et à être plus souvent porteurs d’une tumeur (15 % vs 10 %).
Résultat, après ajustement multivarié − origine ethnique, score de fragilité clinique, IMC, l’hypoxie de base, durée des symptômes, hypertension, diabète, cancer, maladie cardiaque, pulmonaire et rénale − l’effet du statut VIH+ sur l’amélioration clinique ou la sortie avant J28 est largement atténué, il n’est même plus significatif (RR = 0,70 [0,4-1,2] ; NS). « Divers cofacteurs, en particulier la fragilité et l’association d’un cancer pourraient largement participer au moins bon pronostic du Covid-19 chez les sujets VIH+», concluent les auteurs.
Nettes surmortalités dans plusieurs études en population
Antérieurement à cette étude britannique, plusieurs analyses avaient pour leur part mis en évidence une nette surmortalité chez les VIH+ hospitalisés pour Covid-19.
Dans un travail mené au Royaume-Uni par le consortium Isaric-OMS sur plus de 47 000 sujets hospitalisés pour Covid-19, dont 0,26 % VIH+, ce statut était associé à une nette surmortalité à J28 (2). Après ajustements, la mortalité est augmentée de 70 % (p = 0,008). Elle est même quasi triplée chez les VIH+ de plus de 60 ans (p < 0,001).
Toujours au Royaume-Uni, une autre étude – OpenSafely (3) − menée par le NHS sur la base de données de santé nationale sur plus de 17 millions d’adultes (0,16 % VIH+), a mis en évidence un risque de décès quasi triplé (p < 0,0001). Après ajustement sur l’ethnie, le tabagisme, l’obésité et le fait de vivre dans une région défavorisée, ce surrisque, bien qu’atténué, persiste, puisqu’il est plus que doublé (RR = 2,6 ; p < 0,0001).
Enfin, une étude en population menée par le NIH dans l’état de New York (États-Unis) retrouve un pronostic péjoratif. Après ajustement sur l’âge, le taux de CD4, le stade VIH et la suppression virale, le risque de décès intra-hospitalier des VIH+ hospitalisés pour Covid-19 est à nouveau plus que doublé (RR = 2,6).
Exergue : Divers cofacteurs, en particulier la fragilité et l’association d’un cancer pourraient largement participer au moins bon pronostic du Covid-19 chez les sujets VIH+
(1) MJ Lee et al. Ab-142 (2) AM Geretti et al. Clin Infec Dis. 2020; doi.org/10.1093/cid/ciaa1605 (3) K Bhaskaran et al. Lancet 2020. doi.org/10.1016/S2352-3018(20)30305-2 (4) JM Tesoriero et al. medRxiv 2020. doi.org/10.1101/2020.11.04.20226118
Article précédent
Une population gériatrique en meilleure forme qu’attendu
Article suivant
Avantage aux anneaux vaginaux longue durée
« Nous avons pu valider la PrEP intermittente en vraie vie »
Une population gériatrique en meilleure forme qu’attendu
Coinfection Covid/VIH : des données contrastées
Avantage aux anneaux vaginaux longue durée
Le traitement, aussi, pourrait être intermittent
Succès en phase II d’une monothérapie pendant la grossesse
Vaccin thérapeutique, la preuve du concept
Les SMS du congrès Croi 2021
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?