« Comment se diriger vers ce que l’on ne connaît pas ? », interroge le Dr Jean-Michel Sterdyniak. Pour le secrétaire général du syndicat national des professionnels de la santé du travail (SNPST), l’image de la médecine et santé au travail est malheureusement réduite à la visite annuelle : « ce qui est ni valorisant, ni la réalité », affirme-t-il. Le Dr Sterdyniak regrette que l’attractivité de la spécialité ne soit pas mentionnée dans la proposition de loi Lecocq pour renforcer la prévention en santé du travail, actuellement en lecture au Sénat. Et il ne se retrouve pas du tout dans la suggestion selon laquelle les médecins généralistes pourraient réaliser des consultations en médecine du travail : « Les spécialistes ont des compétences spécifiques, des connaissances et une influence sur l’environnement de travail. Ce n’est pas en groupant deux pénuries qu’on les résoudra. »
À l’inverse, le Dr Sterdyniak souligne le succès des médecins collaborateurs recrutés ces dernières années : « Même s’ils ne suffisent pas à combler la pénurie, ils font preuve d’une grande implication. » Au 1er janvier 2020, les services de santé au travail interentreprises (SSTI) comptaient 545 médecins collaborateurs, PAE (diplômés hors U.E) et concours européen. « La voie des collaborateurs médecins plaît mais pourvu que les conditions d’exercice soient bonnes. Pour cela, les politiques doivent être attractives afin d’éviter une surcharge de travail ou une réduction de l’activité du médecin du travail », avance le Dr Anne-Michèle Chartier, présidente du syndicat CFE-CGT.
Plusieurs propositions avaient été retenues par l’IGAS dans un rapport de 2017, mais n’ont pas été suivies. Le syndicat soutient l’idée d’un double-internat, en parallèle par exemple de l’allergologie. Le Dr Chartier reste vigilante quant à l’application des réformes récentes par les SSTI qui doivent mettre en œuvre les modifications des champs de compétences, notamment à propos de la délégation de visites aux infirmières. « Nous aimerions un meilleur encadrement des services pour éviter les expérimentations sauvages. Nous ne souhaitons pas que notre exercice médical se transforme en management d’infirmières. Notre responsabilité est engagée », rappelle-t-elle.
Découvrir le métier sur le terrain
Du côté de Présanse, organisme représentatif des SSTI, on insiste sur la nécessité de redéfinir le rôle de chacun. Martial Brun, son directeur général souhaiterait, cette année « voir l’État et les partenaires sociaux définir un socle de services, afin de poser le cadre et délimiter les postes. » Face aux réactions syndicales, il maintient : « La pluridisciplinarité est développée depuis le début des années 2000 et interroge toujours l’organisation entre professionnels. Il s’agit de trouver le bon fonctionnement pour faire appel à l’expertise des médecins quand elle est nécessaire, sans dégrader le conseil, au contraire, et en maintenant le suivi. » En 2020, les SSTI dénombraient 3 602 médecins et collaborateurs médecins en équivalent temps-plein, contre 4 119 en 2014 (-12,5 %). Martial Brun, comme les Dr Chartier et Sterdyniak, déplore l’inertie face aux propositions de l’IGAS, notamment celle de développer des stages pour les externes. « Les vocations naissent des expériences. Bien qu’il y ait quelques initiatives locales, rien n’a encore été fait au niveau national », ajoute Martial Brun.
Sur ce terrain, le Pr. Jean-Claude Pairon prend les devants… Coordinateur du D.E.S d’Île-de-France et responsable du service de pathologies professionnelles et de l’environnement du CHI de Créteil, il discute actuellement avec l’université pour organiser des immersions en SSTI pour les externes de 4e année. Ces stages dureraient deux semaines et remplaceraient un stage en milieu hospitalier. « Cela permettrait aux étudiants de découvrir la diversité du métier depuis l’intérieur. Même s’ils ne se destinent pas à la spécialité, cela changera leur regard. C’est lourd à mettre en œuvre, mais il faut essayer », encourage le Pr. Pairon. Tous les ans, son service accueille six à huit stagiaires de 2e année dans le cadre de l’initiation à la relation médecin-patient et deux externes de 6e année, pour trois mois. Il ajoute, peu avare d’idées : « Des actions de communication pour faire connaître le métier sont aussi extrêmement importantes, comme l’a fait le Pr. Damien Léger avec des vidéos présentant la discipline. »
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