Environ 2 millions de chutes surviennent chaque année, en France, chez les personnes de 65 ans et plus. Pour diminuer leur fardeau sanitaire, le Plan antichute des personnes âgées a été lancé en février 2022 par la ministre chargée de l’Autonomie et la ministre chargée des Sports. Il a pour objectif de réduire de 20 %, en trois ans, le nombre de chutes mortelles ou entraînant une hospitalisation chez les personnes âgées de 65 ans et plus, soit une réduction espérée de 27 000 séjours hospitaliers et de 2 000 décès pour chute. « Ce plan faisait suite à un rapport de la Cour des comptes publié en novembre 2021 qui estimait que 15 à 30 % des chutes après 65 ans pourraient être évitées par des mesures de prévention. La même année, ont été publiées des recommandations mondiales listant les mesures efficaces pour réduire l’incidence des chutes », explique le Pr Hubert Blain (CHU de Montpellier).
Repérer les patients à haut risque
L’objectif de l’axe 1 du plan est de mieux repérer et prendre en charge les personnes à risque potentiel de chute. « Les recommandations mondiales sont très utiles car elles présentent un algorithme qui permet de définir le risque avec une évaluation relativement simple ».
Les patients sont considérés comme à haut risque de chute lorsqu’ils ont fait au moins deux chutes dans la dernière année ou une chute avec blessure, ou incapacité à se relever du sol, ou encore une chute dans un contexte de fragilité (perte de poids, faiblesse musculaire…) ou dans un contexte inexpliqué (perte de connaissance, syncope suspectée…). « Ces personnes doivent faire l’objet d’une évaluation spécialisée pour identifier tous les facteurs à l’origine des chutes et proposer un programme individualisé, souligne le Pr Blain. Le médecin traitant peut prendre un avis gériatrique pour se faire aider et au mieux diriger le patient vers un centre hospitalier qui pourra en hospitalisation de jour faire un bilan complet et pluriprofessionnel (médical, ergothérapique, kinésithérapique, podologique…) pour évaluer les facteurs de risque et mettre en place les mesures de prévention ».
Quand le patient n’a fait qu’une chute dans les douze derniers mois mais sans les critères de haut risque ou a été repéré à risque de chute (peur de tomber, sensation d’instabilité…), il est recommandé de faire des tests complémentaires, en particulier des tests d’équilibre. Si les patients ont une lenteur de marche (plus de 5 secondes pour faire 4 mètres) ou mettent plus de 15 secondes pour effectuer le Timed Up and Go (TUG) test (temps mis pour se lever d’une chaise positionnée à 3 m d’un mur, aller au mur, faire demi-tour et revenir s’asseoir sur la chaise), ils sont à risque modéré de chute. Dans ce cas, ils doivent bénéficier d’un examen clinique réalisé par le médecin traitant, à la recherche des causes de troubles de l’équilibre, le médecin pouvant s’aider d’une consultation gériatrique au besoin. Une prescription d’activité physique adaptée (APA) est tout particulièrement indiquée chez ces patients pour lesquels se pose la question du remboursement (lire encadré ci-dessous).
Enfin, les personnes à risque faible de chute doivent bénéficier de mesures d’éducation sur la prévention des chutes incluant un conseil visant à la pratique régulière d’une activité physique et un suivi médical régulier.
Si la kinésithérapie est prise en charge par l’Assurance-maladie pour les patients à haut risque de chute, l’activité physique adaptée (APA) dispensée par des enseignements ne l’est pas. Mais à terme, la donne pourrait changer.
Sur la base de recommandations de la Haute Autorité de Santé en cours de rédaction, la possibilité d’un remboursement est en effet en discussion, pour une APA, prescrite par un médecin, dispensée par des enseignants spécialisés, chez les personnes à risque modéré, voire élevé, de chute.
D'ores et déjà, « le plan prévoit des expérimentations dans un certain nombre de régions pilotes afin de tester un panier de soins chez des personnes à risque modéré ou élevé de chute, incluant l’APA » ajoute le Pr Hubert Blain
Quelles mesures de prévention en pratique ?
Parmi les mesures de prévention les plus efficaces, la révision de l’ordonnance figure en première place. « Trop de chutes et de troubles de l’équilibre sont liés à l’utilisation de psychotropes. Il faut tenter chez les personnes à risque modéré ou élevé de chute de réduire progressivement et le plus possible la consommation de benzodiazépines, antidépresseurs, antalgiques de type tramadol… Il faut aussi s’intéresser aux médicaments qui induisent une hypotension orthostatique », souligne le Pr Hubert Blain.
Pour améliorer l’équilibre, il faudra s’attacher à adapter le chaussage (semelles plantaires thermoformées, chaussures orthopédiques CHUT si besoin…) et pratiquer des soins de pédicurie. Enfin, il faut s’intéresser aux pathologies favorisant les troubles de l’équilibre (neurologique, vestibulaire, articulaire, oculaire…). « Le médecin traitant peut faire cette évaluation pour un patient à risque intermédiaire de chute. En cas d’inefficacité sur l’équilibre des premières mesures ou si le patient est à risque élevé de chute, le médecin ne doit pas hésiter à recourir à un avis gériatrique ». Le lien ville-hôpital doit ainsi être optimisé.
Au-delà de ce premier axe, le plan décline d'autres volets visant, par exemple, l’aménagement du logement pour diminuer le risque de chute. L’évaluation du domicile est d’autant plus importante que le risque de chute est élevé. Elle sera réalisée au mieux par un ergothérapeute.
La volonté est aussi de rendre plus facilement accessibles les aides techniques (canne, déambulateur…). Le développement de l’offre d’APA pour les personnes âgées est également au programme, tout comme le recours à la téléassistance comme outil de prévention et de réduction de la morbidité associée aux chutes graves.
Informer et sensibiliser tous les acteurs
Enfin, un axe transversal vise à faire prendre conscience du problème des chutes auprès des Français. Le plan prévoit de faciliter l’accès à l’information de toutes les personnes âgées et des aidants ainsi que la formation de tous les professionnels de santé et du médico-social sur les facteurs permettant d’évaluer le risque de chute et les mesures pour les prévenir.
Ainsi faut-il impliquer le maximum d’acteurs intervenant auprès des personnes âgées, au plus près du terrain. « Dans cette optique, l’Académie nationale de médecine, en lien avec l’Association des maires de France, a pour projet d’organiser une journée annuelle nationale dédiée à la prévention des chutes car les municipalités jouent un rôle crucial dans l’aménagement urbain et l'adaptation de la ville aux personnes âgées avec des difficultés de marche (réfection des lieux de marche pour éviter des différences de niveaux, installation de zones protégées pour les personnes âgées à risque de chute, de bancs…) », conclut le Pr Hubert Blain.
D'après un entretien avec le Pr Hubert Blain (CHU de Montpellier)
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