Lumière sur les troubles psychiatriques de la SEP

Par
Publié le 25/02/2022
Article réservé aux abonnés
Les comorbidités psychiatriques sont fréquentes chez les patients atteints de sclérose en plaques (SEP). Ces troubles sont encore trop souvent sous-diagnostiqués, alors qu’ils entraînent un risque de suicide, surtout au cours des premières années. La collaboration neurologues et psychiatres est essentielle.
Un fondement psychologique mais aussi neurologique

Un fondement psychologique mais aussi neurologique
Crédit photo : phanie

42,5 % des femmes et 35,6 % des hommes atteints de sclérose en plaques (SEP) présentent un trouble psychiatrique, contre 29,9 % et 33,9 % dans la population générale (1).L’anxiété est le trouble le plus fréquent (36 % des patients SEP) au début de la maladie, et elle constitue le facteur prédictif le plus puissant de la dépression. Elle serait liée à la perception du risque de handicap et à l’imprévisibilité de la maladie.

Anxiété et dépression liées à la maladie

Au moment du diagnostic de la SEP, la fréquence de la dépression est faible (11 %). Ce taux, ainsi que de la consommation d’antidépresseurs, augmente dans les deux ans avant et les deux ans après le diagnostic (Hoang 2016). Au cours de la maladie, la survenue d’une dépression est corrélée à la sévérité du handicap et à l’intensité de l’anxiété ; le taux de dépression est plus élevé au cours de la poussée. « La dépression reste sous-diagnostiquée et sous-traitée dans la SEP. Une étude (2) a montré que les deux tiers des patients atteints d’épisodes dépressifs majeurs ne recevaient aucun traitement antidépresseur », a souligné le Dr Antoine del Cul (Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris).

Les données de la cohorte Survimus (Leray et al.), portant sur 27 592 patients atteints de SEP, ont identifié 43 suicides (dont 22 femmes). Les patients qui se sont suicidés étaient plus jeunes au moment du décès (46,3 ans) que ceux décédant d’une autre cause (56,7 ans). 21 % des suicides sont intervenus dans les cinq premières années et 40 % dans les dix premières années.

L’amélioration de la prise en charge et une meilleure préparation de l’annonce du diagnostic sont essentielles.

Une physiopathologie pas entièrement comprise

Les études ont également montré une augmentation de la prévalence des troubles bipolaires chez les patients atteints de SEP. Leur fréquence serait environ deux fois supérieure à celle de la population générale (0,3-2,4 % et même parfois 10 %). Les symptômes maniaques peuvent précéder les symptômes neurologiques, mais ils surviennent, en général, environ un an après le diagnostic. Les liens entre troubles bipolaires et SEP ne sont encore pas bien compris à ce jour, mais il est probablement multifactoriel : traitements (corticoïdes, baclofène, dantrolène), drogues illicites, facteurs génétiques (système HLA), lésions démyélinisantes, etc.

Il en est de même pour les troubles psychotiques/schizophrénie, qui sont trois fois plus fréquents que dans la population générale (2-4 %) ; 90 % des patients ont des symptômes de SEP avant les symptômes psychotiques. « Les hypothèses physiopathologiques mettent en avant des lésions au niveau de la substance blanche périventriculaire, temporale, et frontotemporale », a déclaré le Dr del Cul.

Enfin, les modifications de la personnalité (irritabilité, agressivité, apathie, euphorie…) concerneraient de 20 à 50 % des patients, en lien avec les lésions démyélinisantes et l’atrophie corticale ainsi qu’avec les conséquences psychologiques de la maladie (stress, incertitude, dégradation de l’image et de l’estime de soi…). Ils dépendent du fonctionnement psychologique prémorbide et sont majorés par les abus de substances et les troubles cognitifs.

Session « Frontières neurologiques et psychiatriques » 

(1) Fromont A. et al. J. Neurol. 2013;260:2629-37

(2) Mohr et al. Mult Scler 2006.12:204-8

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin