Les troubles bipolaires touchent environ 2,5 % de la population, quand les troubles de la personnalité borderline en touchent entre 2 et 6 %, selon les études.
Ces deux entités présentent des similitudes cliniques qui ne facilitent pas le diagnostic. Environ 20 % des bipolaires présentent aussi les critères des borderline et inversement. Mais il est difficile de parler de comorbidités, du fait du recouvrement symptomatique entre les troubles (notamment pour le trouble bipolaire de type II).
Leur mécanisme commun est la dérégulation émotionnelle. Certaines caractéristiques sont transdiagnostiques : notamment l’instabilité affective, l’impulsivité et les conduites à risque (Bayes, 2014).
L’instabilité affective ressemble souvent à de l’hypomanie, conduisant à un faux diagnostic de trouble bipolaire (Kernberg 2013, Ghaemi 2014). À l’inverse, les symptômes résiduels inter-critiques des patients souffrant de bipolarité, comme la dysphorie chronique, peuvent évoquer un trouble de la personnalité borderline (Paykel, 2006).
L’impact des traits borderline sur le trouble bipolaire est très important à prendre en compte, comme l’a montré une récente étude menée chez près de 1 500 patients bipolaires (1). En effet, la prévalence des traits borderline chez les bipolaires est très élevée (au moins un trait pour 86 % des patients), en particulier chez les bipolaires de type II et cela augmente le risque d’addiction à l’alcool. L’âge de début du trouble bipolaire est, dans ce cas, plus précoce.
Cinq points essentiels à considérer
« La première question à se poser est celle de l’existence d’un épisode maniaque ou hypomaniaque. C’est le critère différenciant principal des deux troubles et il faut commencer par cela, a expliqué le Dr David Gourion (Paris). En pratique, les cliniciens ne le clarifient pas toujours suffisamment, et explorent plus volontiers la question du psychotrauma, ce qui est un piège car les antécédents de traumatismes infantiles sont élevés dans les deux cas : 50 % chez les bipolaires et de 60 à 90 % chez les patients borderline. »
Attention, la présence d’une irritabilité, d’états mixtes ou de cycles ultra-rapides chez certaines personnes bipolaires de type II peut être confondue avec l’instabilité affective du trouble de la personnalité.
Deuxième critère : la génétique. Il y a une forte probabilité de retrouver des apparentés biologiques au premier ou au second degré ayant un trouble bipolaire. De même, pour les traits de personnalité limites, ils sont surreprésentés chez les apparentés.
Une autre différence essentielle est celle de l’évolution des troubles. Le début du trouble borderline est progressif et insidieux durant l’enfance et l’adolescence et la majorité des patients s’améliorent avec le temps (de 50 à 70 % de rémission à 5 ans), alors que le début du trouble bipolaire est brutal et qu’il s’aggrave souvent avec le temps.
En ce qui concerne la vie relationnelle, les bipolaires (euthymiques) sont plus aptes à maintenir des relations stables, voire à se sentir hypersociables et « surconnectés » aux autres durant les périodes d’hypomanie. Alors que, dans le trouble de la personnalité, il existe une grande instabilité relationnelle.
« Enfin, la qualité du lien thérapeutique (a fortiori lors d’une hospitalisation), est un excellent moyen différenciant de diagnostic », a conclu le Dr David Gourion. Bien plus que la preuve pharmacologique, car les effets non spécifiques des psychotropes (anxiolyse et sédation) limitent l’interprétation.
Session « Bipolaire ou borderline : faites la différence ! » (1) Saunders K. et al. Bipolar Disorders. 2021;23 :368-75
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