Comorbidités de l’anorexie mentale

Des psychotropes, pas sans renutrition

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Publié le 02/12/2019
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Tentantes, les thérapies médicamenteuses ne sont pas efficaces dans l’anorexie mentale si elles ne sont pas associées à une prise en charge globale, psychique, nutritionnelle, somatique et sociale. Elles peuvent être prescrites en complément dans certains cas, et avec prudence s’il existe un état de dénutrition.
Les antidépresseurs n’ont pas d’efficacité chez les patients dénutris

Les antidépresseurs n’ont pas d’efficacité chez les patients dénutris
Crédit photo : Phanie

La littérature internationale montre qu’aucun psychotrope n’a fait la preuve d’une efficacité spécifique dans l’anorexie mentale. « Quasiment toutes les molécules ont été évaluées, notamment des antipsychotiques (dont l’olanzapine), des antidépresseurs et des anxiolytiques, mais aucune n’a un réel effet sur l’anorexie mentale en elle-même, comme l’a montré une revue de la littérature récente (1) », résume la Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre, Fondation santé des étudiants de France, Fédération française anorexie boulimie. Seules les thérapies associées à une renutrition ont montré une efficacité sur l’anorexie mentale, notamment en présence de comorbidités : anxiété liée aux repas, dépression, troubles obsessionnels…

Anxiété face aux repas, troubles du sommeil

En cas d’anxiété, d’angoisse face aux repas ou de troubles du sommeil, des psychotropes peuvent être prescrits pour aider les patients à passer un cap, de manière très prudente, sur une courte durée et à la dose la plus faible possible, en prenant bien en compte leurs effets secondaires et contre-indications. Il faut bien évaluer la balance bénéfice/risque.

En effet, les patients peuvent avoir une sensibilité particulière aux médicaments, sur le plan cardiaque, hépatique ou rénal, compte tenu de leur état de dénutrition. Chez les jeunes adolescent·es, la prescription doit se faire en dose par kilo, comme chez les enfants. Attention également à ne pas arrêter trop brutalement les benzodiazépines, ce qui pourrait entraîner des crises d’épilepsie. « Beaucoup trop de patients que nous voyons ont déjà eu un traitement par psychotropes. L’ANSM a émis des restrictions d’utilisation concernant l’Atarax, pertinentes dans l’anorexie mentale (2), souligne la Pr Nathalie Godart. Chez certains patients ayant une angoisse massive, on peut prescrire des neuroleptiques. Compte tenu du risque cardiaque, il faut choisir un antipsychotique ayant un faible effet hypotenseur et corriger l’hypokaliémie avant de prescrire. »

Association à un autre trouble psychique

Il existe aussi parfois de vraies comorbidités psychiques : dépression avec risque suicidaire majeur, trouble anxieux, troubles obsessionnels… Ces troubles se traitent classiquement, en respectant les conditions d’emploi. Il faut bien noter que le traitement antidépresseur n’a pas d’efficacité chez les patients dénutris, il faut donc commencer par la renutrition avant de le mettre en place.

Dans certaines situations, plus rares, de troubles bipolaires avec anorexie mentale, on peut prescrire du lithium mais avec les précautions d’usage et exclusivement sur une situation équilibrée sur le plan nutritionnel et métabolique.

Dans tous les cas, il faut bien expliquer au patient le traitement par psychotropes et l’impliquer dans la prise de décision. Il ou elle est souvent réticent·e à prendre ces médicaments si la notice mentionne la présence d’un excipient sucré ou un possible effet secondaire sur la prise de poids.

Entretien avec la Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre Fondation santé des étudiants de France, Fédération française anorexie boulimie

(1) Blanchet C et al. Medication in AN : a multidisciplinary overview of meta-analyses and systematic reviews. J Clin Med. 2019 Feb 25;8(2). pii: E278. doi: 10.3390/jcm8020278

(2) ANSM. 18/02/2015. Réévaluation des médicaments à base d’hydroxyzine

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin