La SPLF se rapproche de la classification Gold 2023… sans en adopter la stratégie thérapeutique

Par
Publié le 19/04/2024
Article réservé aux abonnés

La SPLF ne s’était pas positionnée depuis des années sur la classification Gold des patients atteints de BPCO. Les modifications apportées en 2023 la font adopter, sans pour autant soutenir la stratégie thérapeutique qui en découle.

La classification A/B/E est un outil permettant de phénotyper les patients et de cibler la prise en charge

La classification A/B/E est un outil permettant de phénotyper les patients et de cibler la prise en charge
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La classification de la Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (Gold) des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) existe depuis 2001 et a déjà connu plusieurs modifications. Elle avait été reprise dans les recommandations de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) pour la prise en charge de la BPCO en 2003, puis en 2010, mais les modifications apportées à partir de 2011 – classification en quadrants A/B/C/D, intégrant les symptômes et les exacerbations dans l’évaluation de la gravité des patients – n’avaient pas été adoptées, en raison notamment de leur complexité et de l’hétérogénéité du risque d’exacerbation selon le critère utilisé. De plus, la SPLF n’adhérait pas aux propositions thérapeutiques qui en découlaient.

Oui à la classification

Mais, en 2023, la classification Gold en quadrants A/B/C/D a été modifiée pour devenir A/B/E, mettant ainsi en exergue les conséquences cliniques des exacerbations : le E, pour patients à risque d’exacerbation, indépendamment de leur niveau de symptômes, correspond aux anciens groupes C et D, qui se différenciaient uniquement sur la dyspnée. Les groupes A et B restent inchangés, le A regroupant les patients peu symptomatiques et peu exacerbateurs, le B concernant les patients symptomatiques à faible risque d’exacerbation.

C’est bien cette mise en avant du poids majeur des exacerbations – connu de longue date mais encore insuffisamment appréhendé – qui représente le point fort de cette nouvelle classification. « Du fait de cette simplification par rapport aux précédentes versions, de sa plus grande facilité de mise en œuvre et de la mise en avant des exacerbations comme déterminant des choix thérapeutiques, la SPLF prend cette fois position en faveur de cette classification », indique la Dr Lucile Regard (hôpital Cochin, AP-HP), membre du groupe de travail BPCO de la SPLF, qui souligne : « Le poids des exacerbations sur le risque d’hospitalisation, de décès, d’aggravation de comorbidités, le déclin de la fonction respiratoire ou encore sur la qualité de vie est maintenant établi et supporté par des données robustes de la littérature, et ce, indépendamment du niveau des symptômes. Aussi, mettre en avant cette caractéristique des patients (l’exacerbation), primordiale à évaluer et donc à cibler, était un élément déterminant pour que cette nouvelle classification A/B/E soit adoptée par la SPLF. »

La mise en avant de l’exacerbation a été primordiale pour reconnaître cette classification

Dr Lucile Regard

Tout comme les classifications 2017 et 2011, les seuils utilisés pour distinguer les groupes A et B ne reposent pas toujours sur des données scientifiques solides, et restent donc un point critique de cette classification, mais qui est mineur par rapport aux bénéfices attendus à son utilisation. Autre limite de cette classification, la non prise en compte de certaines comorbidités – pathologies cardiovasculaires, syndrome métabolique, dépression, ostéoporose – en dépit de leur influence sur le pronostic chez les patients BPCO.

Non à la stratégie thérapeutique

La nouvelle classification s’accompagne de propositions thérapeutiques qui ne sont, à l’heure actuelle, pas soutenues par la SPLF : « Les propositions émanant de la SPLF sur la prise en charge pharmacologique de la BPCO à l’état stable reposent sur l’évaluation des symptômes que sont la dyspnée et les exacerbations, mais pas sur le stade Gold, contrairement à ce qui est proposé dans le rapport 2023. Les recommandations de la SPLF doivent pour l’instant rester la référence en France », plaide la Dr Regard. La SPLF a toutefois initié une réflexion en vue d’une actualisation de sa position publiée en 2021.

« En l’état, l’utilisation de la classification Gold actuellement préconisée par la SPLF est donc limitée à l’évaluation de la typologie des patients et des cibles correspondantes de leur prise en charge (dyspnée/exacerbations) et à la communication entre professionnels de santé sur ces thèmes », a conclu le groupe de travail BPCO de la SPLF.

Entretien avec la Dr Lucile Regard, hôpital Cochin (AP-HP)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin