Des cibles au-delà de la protéine CFTR

Mucoviscidose, aux sources de l’inflammation

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Publié le 07/09/2017
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mucoviscidose

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Crédit photo : Phanie

La mucoviscidose se caractérise par des infections respiratoires basses, récurrentes, à bactéries opportunistes et une inflammation, à prédominance neutrophilique. La répétition de ces épisodes infectieux associés à l'inflammation entraîne à terme des lésions pulmonaires et des bronchectasies, conduisant à l'insuffisance respiratoire terminale, qui est la première cause de décès de cette maladie.

Le primum movens de la mucoviscidose est la perte de fonction de la protéine cystic fibrosis transmembrane conductance (CFTR), secondaire à une mutation génétique. À côté des molécules corrigeant les fonctions de cette protéine, les recherches visent à mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques conduisant au cercle vicieux infection/inflammation, afin de définir de nouvelles cibles thérapeutiques.

Un débat sur l’origine du cercle vicieux

La dégradation des neutrophiles altère la réponse immunitaire innée, et favorise l'obstruction des bronches. Les cellules épithéliales bronchiques, comme les cellules immunitaires, jouent un rôle crucial dans l'initiation et la progression de la maladie pulmonaire. Mais il existe un débat sur l'origine de l'inflammation : est-elle due à la perte de la fonction CFTR ou bien secondaire aux infections persistantes et à la défaillance de l'immunité locale ?

Des travaux menés sur des modèles animaux CFTR-déficients plaident en faveur de la deuxième hypothèse, en montrant qu'il n'y a pas d'inflammation chez les nouveau-nés en l'absence d'infection. Parallèlement, les arguments convergent aujourd'hui pour souligner le rôle direct de CFTR, qui régule non seulement les efflux de chlore mais aussi ceux de bicarbonate et de thiocyanate. La perte de fonction de la protéine est ainsi responsable d'une acidification, qui inhibe les peptides antimicrobiens et modifie les caractéristiques biochimiques du mucus. Elle a également un effet sur l'équilibre entre lipides pro et anti-inflammatoires.

Les limites de l’ivacaftor

Au niveau thérapeutique, de grands espoirs se fondent sur les molécules capables de corriger ou de potentialiser les fonctions de CFTR. Toutefois, si le traitement par ivacaftor permet bien d'améliorer significativement la fonction respiratoire, la prise de poids et les taux de chlore chez les patients ayant une mutation G551D, il ne réduit pas les médiateurs de l'inflammation au niveau pulmonaire. Une des explications possibles est le début tardif du traitement, alors que les bronchectasies sont déjà présentes, indique la Dr Judith Voynow (Richmond, États-Unis). Les bénéfices d'un traitement très précoce, administré chez le nouveau-né, pourront être évalués lorsque la molécule sera autorisée dans ce contexte.

Des effets secondaires avec les voies classiques

Mais les recherches portent aussi sur des molécules anti-inflammatoires. La preuve du concept a été apportée par un essai prospectif randomisé en double aveugle, qui a mis en évidence une amélioration de la fonction respiratoire sous glucocorticoïdes versus placebo. Toutefois, le recours à ce traitement est limité en pratique clinique par ses effets secondaires. L'ibuprofène à fortes doses s'est également montré capable de réduire le déclin de la fonction respiratoire dans un essai prospectif de 4 ans, avec là aussi des limites liées aux effets secondaires potentiels. La prescription d'azithromycine est une autre voie possible, qui permet notamment de réduire la fréquence des exacerbations et de la toux chez des patients non infectés par P. aeruginosa.

La recherche de cibles spécifiques

Parallèlement, de très nombreux autres traitements ciblant des médiateurs spécifiques de l'inflammation font l'objet d'évaluations, tout comme des molécules utilisées dans d'autres maladies inflammatoires. Il s'agit d'un champ de recherche complexe, qui nécessite en premier lieu de définir les marqueurs de l'inflammation devant être suivis dans le cadre des essais cliniques. Chez les jeunes enfants qui n'expectorent pas, le lavage bronchoalvéolaire est la seule technique qui permette actuellement de mesurer directement l'inflammation au niveau des voies aériennes, mais il s'agit d'un geste invasif qui ne peut être répété dans le cadre d'un essai.

La confirmation précoce de la sécurité d'emploi d'une molécule est un autre défi, du fait de la possible survenue d'effets secondaires inattendus et d'une augmentation de la susceptibilité aux infections. Enfin, il est essentiel de bien sélectionner les patients pouvant bénéficier de tel ou tel traitement, en établissant un profil inflammatoire.

D'après la session « Anti-inflammatory therapy in cystic fibrosis», Judith Voynow Richmond Va, États-Unis

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9599