Avantage aux corticoïdes dans la crise aiguë de chondrocalcinose

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Publié le 09/12/2022
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Aucun essai n’avait jusqu’ici comparé la colchicine aux corticoïdes pour la prise en charge de l’arthrite aiguë à cristaux de pyrophosphate de calcium (PPC). L’essai COLCHICORT montre que les deux traitements ont une efficacité rapide et similaire, une tolérance satisfaisante mais meilleure sous corticoïdes. Explication des résultats avec le Pr Tristan Pascart (Lille).
Une crise pseudo-goutteuse très brutale au niveau du genou est une des manifestations

Une crise pseudo-goutteuse très brutale au niveau du genou est une des manifestations
Crédit photo : phanie

Le terme de rhumatisme à cristaux de PPC a remplacé celui de chondrocalcinose, qui désigne les dépôts de PPC et non la maladie qu’ils peuvent provoquer. Cette pathologie est fréquente, en particulier chez les personnes âgées : des cristaux de PPC sont présents chez 20 à 30 % des plus de 70 ans. Elle est cependant négligée, et caractérisée par un manque de données épidémiologiques fiables. Elle peut se manifester sous diverses formes : crises pseudo-goutteuses très brutales au niveau du poignet ou du genou, torticolis extrêmement inflammatoires (aspect typique à l’imagerie de dent couronnée au niveau de la jonction entre la première et la deuxième vertèbre cervicale). Mais il existe aussi de nombreuses formes chroniques pseudo-polyarthritiques ou pseudo-arthrosiques, encore plus sous-estimées.

Jusqu’à présent, les traitements sont utilisés dans la crise aiguë par extrapolation de ce qui est pratiqué dans la goutte, les mécanismes conduisant à l’inflammation étant très similaires. Cependant, il existait très peu de données pour les comparer. C’est justement l’objectif de COLCHICORT, premier essai clinique réalisé dans la crise de chondrocalcinose (1), déjà présenté au congrès de l’American College of Rheumatology (ACR).

Une réduction de la douleur similaire

Cette étude multicentrique, menée en ouvert, a inclus 112 patients de plus de 65 ans, atteints d’arthrite aiguë à cristaux de PPC (authentifiée par la présence de cristaux de PPC dans le liquide synovial ou une présentation clinique et radiologique typique). Les crises concernaient principalement le genou (48 %), le poignet (20 %) et la cheville (13 %). Les patients ont été randomisés pour recevoir soit la colchicine (1,5 mg le premier jour, puis 1 mg le deuxième), soit la prednisone à 30 mg pendant deux jours.

La réduction de la douleur sur l’échelle visuelle analogique (EVA) après une seule prise (critère principal) est très significative et équivalente dans les deux groupes de traitement. L’évolution à 48 heures, puis tout au long des sept jours suivants, est tout à fait superposable. La proportion de répondeurs est identique dans les deux groupes, que ce soit après 24 ou 48 heures.

Une meilleure tolérance sous prednisone

Une différence est constatée concernant la tolérance, avec 22 % de diarrhées légères sous colchicine (sauf une ayant nécessité une réduction de la posologie). Celles-ci peuvent toutefois s’avérer problématiques chez des personnes âgées (86 ans en moyenne dans l’étude), en raison du risque potentiel de déshydratation, à prendre en compte. Le seul facteur prédictif retrouvé était la présence de statines, qui entrent en compétition avec le métabolisme de la colchicine. En revanche, ni l’âge, ni la fonction rénale ne semblaient jouer de rôle. La prednisone a été bien tolérée, avec seulement 11 % d’élévations modérées de la pression artérielle et trois augmentations légères de la glycémie, malgré 25 % de diabétiques et 75 % d’hypertendus dans l’étude. Aucun rebond n’a été observé à l’arrêt.

« Le choix se portera plutôt en premier sur la prednisone sauf diabète déséquilibré, hypertension artérielle non contrôlée ou contexte infectieux. De plus, l’étude montre que le traitement peut être arrêté rapidement : environ deux tiers des patients sont soulagés en deux jours de traitement », explique le Pr Tristan Pascart, groupe hospitalier de l'institut catholique de Lille. Chez les patients n’ayant pas suffisamment répondu au bout de deux jours, le traitement pouvait être poursuivi (40 % des sujets du groupe colchicine). Au total, 12 % des patients ont nécessité une infiltration après 48 heures (six dans le bras prednisone et huit dans le groupe colchicine). Il est aussi possible de combiner les deux médicaments.

Les récidives des crises sont imprévisibles, souvent après un facteur déclenchant (traumatisme, hospitalisation, AVC…). Actuellement, il n’est pas possible de prédire quelles personnes vont refaire des crises, ni celles susceptibles de développer une forme chronique.

Une nouvelle dynamique

Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement de fond de la maladie. Cependant, une étude a commencé à répertorier les différentes prises en charge des manifestations inflammatoires persistantes. Au long cours, le choix en première intention porte généralement sur la colchicine (les corticostéroïdes étant évités, vu leurs effets secondaires à long terme). Certains utilisent le méthotrexate. Chez les patients réfractaires, on se tourne davantage vers des biothérapies comme les anti-IL1, mais aussi de plus en plus vers le tocilizumab (anti-IL6), bientôt évalué dans un essai français.

Par ailleurs, la recherche commence enfin à s’intéresser à cette pathologie. Ainsi, au congrès de l’ACR, ont été présentés les premiers critères de classification diagnostique américano-européens de la maladie, fondés sur des items intégrant l’âge, la clinique et surtout l’imagerie (mettant en évidence la chondrocalcinose au niveau de plusieurs articulations).

(1) Pascart T et al. SFR 2022, abstract 424

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin