Des accidents cardiovasculaires sous anti-JAK ?

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Publié le 01/07/2022
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Au regard de l’actualité, plusieurs communications ont concerné le risque cardiovasculaire et thromboembolique sous inhibiteurs de JAK (JAKi). Depuis que l’étude ORAL Surveillance a révélé un surrisque par rapport aux anti-TNF, les JAKi ont vu leur utilisation se restreindre dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), en attendant les préconisations de l’agence européenne des médicaments (EMA) en septembre prochain.
Dans le registre RABBIT, l’incidence des MACE n'était pas augmentée, même chez les patients à haut risque

Dans le registre RABBIT, l’incidence des MACE n'était pas augmentée, même chez les patients à haut risque
Crédit photo : phanie

Parmi les communications, les données issues de deux registres, Vigibase et RABBIT, ont été discutées. Menée chez des patients atteints de PR âgés de 18 à 75 ans, la première étude (1) a analysé les évènements cardiovasculaires majeurs (MACE) et les accidents veineux profonds et thromboemboliques (VTE), à partir de la base de données de pharmacovigilance Vigibase mise en place par l’OMS. 

Vigibase pousse à la vigilance !

Entre janvier 2011 et avril 2022, parmi plus de 16 millions de rapports de pharmacovigilance réalisés, 50 694 concernaient les JAKi (tofacitinib, baricitinib, upadacitinib, filgotinib) et 239 914 les anti-TNF (étanercept, adalimumab, infliximab, certozilumab pegol, golimumab). Au total, 4 196 MACE (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou décès cardiovasculaire) ont été signalés : 817 (1,6 %) chez les patients traités par JAKi et 3 379 (1,4 %) sous anti-TNF. Quant aux événements VTE (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire), 1 414 ont été déclarés : 596 (1,2 %) avec les JAKi et 818 (0,3 %) sous anti-TNF. Ainsi, il ne semble pas y avoir une augmentation significative de MACE sous JAKi par rapport aux anti-TNF (ROR = 0,92 [0,85-1,00]). Mais en considérant les données de pharmacovigilance venant uniquement des médecins, le risque de MACE est alors augmenté de 45 % avec les JAKi. Pour les accidents VTE, toutes les analyses montrent un risque significativement accru pour les patients sous JAKi (R0R = 3,48), encore amplifié par les seules déclarations des médecins (ROR = 8,51). 

RABBIT : pas de surrisque de MACE

En revanche, l’étude observationnelle menée d’après le registre allemand RABBIT n’a pas montré, en vraie vie, de risque accru de MACE avec les JAKi chez les patients souffrant de PR (2). Parmi ces patients inclus entre 2017 et 2021, 2 030 ont été traités par JAKi (46 % tofacitinib, 54 % baricitinib), 2 338 par anti-TNF et 871 par traitements de fond conventionnels synthétiques (csDMARDs). Comparés aux sujets sous anti-TNF, ceux débutant un JAKi avaient une durée d’évolution de la PR plus longue. Ils étaient plus fréquemment séropositifs pour le facteur rhumatoïde (FR) et les anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (ACPA), ainsi que davantage prétraités par biologiques. Ils avaient également plus de comorbidités. Au total, 29 MACE ont été signalés avec un taux d’incidence pour 100 patients-années comparable entre les trois groupes : JAKi (0,41), anti-TNF (0,45) et csDMARDs (0,26). Il n’y avait pas non plus d’augmentation de l’incidence dans le sous-groupe de 2 977 patients à haut risque, âgés de 50 ans minimum et ayant au moins un facteur de risque cardiovasculaire (hypertension, maladie coronarienne, diabète, hypercholestérolémie et tabagisme). Les taux d’incidence pour 100 patients-années étaient de 0,63 avec les JAKi, 0,85 sous anti-TNF et 0,44 avec les csDMARDs. Ils sont inférieurs à ceux rapportés dans ORAL Surveillance.

Cette étude ne montre donc pas de surrisque de MACE sous JAKi par rapport aux anti-TNF, même dans le sous-groupe des patients les plus à risque. Les prochaines conclusions de l’EMA sont attendues en septembre, suite aux données complémentaires demandées.

(1) Ruyssen-Wiltrand et al, abstr. OP 0268
(2) Meissner Y et al, abstr. OP 0135

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin