Rhumatismes inflammatoires et grossesse : quels risques ?

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Publié le 27/06/2022
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La polyarthrite rhumatoïde (PR) et la spondyloarthrite sont les rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) les plus fréquents chez les femmes en âge de procréer. Mais quelles sont les conséquences de ces pathologies et des traitements prescrits pendant la grossesse ?
L’exposition aux corticoïdes de la femme enceinte est associé à un risque d’évolution défavorable de la grossesse

L’exposition aux corticoïdes de la femme enceinte est associé à un risque d’évolution défavorable de la grossesse
Crédit photo : phanie

La cohorte française GR2, observationnelle et prospective, étudie la grossesse au cours des RIC. Entre 2015 et 2021, 92 femmes atteintes de PR, ayant un projet de grossesse ou enceintes depuis moins de 12 semaines, ont été incluses (1). Le critère principal, composite, évaluait l’évolution favorable de la grossesse, définie par la naissance d’un nouveau-né en parfaite santé à au moins 37 semaines de gestation avec un poids de naissance supérieur au 10e percentile.

Attention aux corticoïdes !

Parmi les patientes incluses, 46,2 % ont été exposées au moins une fois aux corticoïdes pendant leur grossesse, 7,9 % aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et 38,6 % à un traitement biologique. De plus, 21,8 % des femmes enceintes avaient une activité modérée ou sévère de la PR. Au total, 83 nouveau-nés vivants ont vu le jour. Il a été observé 69 naissances à terme, 9 fausses couches et 22 césariennes. Une grossesse à évolution favorable a été constatée chez 52 patientes (56,5 %). Les grossesses à évolution défavorable étaient principalement des prématurités (16,9 %) et des petits poids à la naissance (20,5 %). L’analyse a été ajustée sur l’âge, l’IMC, la nulliparité, une maladie active au moins une fois pendant la grossesse, le tabac et l’exposition aux corticoïdes ou à un biologique. Les facteurs de risque indépendamment associés au risque d’évolution défavorable étaient la nulliparité (OR : 6,2 ; IC 95 % 2,13-17,76), l’âge (OR par année : 1,1 ; IC 95 % 1,0-1,3) et l’exposition aux corticoïdes pendant la grossesse (OR : 3,2 ; IC 95 % 1,1-9,6).

L’anxiété ennemie de l’observance

Une étude italienne (2) a évalué l’observance thérapeutique chez des femmes ayant une maladie systémique auto-immune, enceintes ou non. Pour les femmes enceintes, il a été proposé un suivi rapproché mensuel. L’adhésion thérapeutique a été évaluée par le questionnaire de Morisky (8 items). Au total, 80 femmes enceintes et 72 non-enceintes ont été incluses dans l’étude (50 patientes souffraient d’anxiété). Globalement, les femmes enceintes avaient une bonne adhésion thérapeutique. Cependant, 25 % d’entre elles ne prenaient pas bien les traitements en dépit d’un suivi rapproché. Dans les deux groupes, une association entre une mauvaise observance et l’anxiété est retrouvée. En revanche, la dépression ne semble pas avoir d’impact sur l’adhésion thérapeutique.

Spondylarthrite : éviter les AINS !

Une étude s’est intéressée à la période préconceptionnelle chez les femmes atteintes de spondylarthrite (SpA) dans la cohorte GR2, présentant un désir de grossesse (3). Parmi les 88 patientes incluses entre 2015 et 2021, 56 (63,6 %) ont commencé une grossesse pendant le suivi. Il a été observé chez 40 patientes (45,4 %) une fertilité diminuée, avec un délai de 16 mois en moyenne de conception, ou l’absence de grossesse. Au cours de la période préconceptionnelle, les patientes étaient traitées par AINS (26,1 %), corticoïdes (9,1 %), traitements de fonds conventionnels synthétiques (csDMARDs : 13,6 %) et anti-TNF (69,3 %). L’index d’activité de la maladie (BASDAI) moyen était de 2,9 (± 2,1). Il a été réalisé une analyse multivariée incluant l’âge, l’IMC, la nulliparité, le BASDAI, la durée de la maladie, le statut tabagique, le type d’atteinte (axiale, périphérique ou les deux) et les traitements reçus. Une association significative était observée entre un délai de conception allongé et l’âge (HR : 1,22 ; IC 95 % 1,08-1,40), ainsi qu’avec la prise d’AINS (HR : 3,01 ; IC 95 % 2,15-3,85) qui multipliait par 2,6 le délai médian de conception (31,6 mois avec AINS vs 12,3 sans AINS).

Une autre étude épidémiologique s’est penchée sur les complications en cours de grossesse et chez l’enfant à la naissance (4). Il a été rapporté 1 580 grossesses chez des femmes ayant une SpA versus 15 792 grossesses contrôles dans la population générale appariée sur différents facteurs (âge, parité, IMC, tabagisme…). L’âge maternel moyen était de 32 ans. On observe une augmentation significative du risque de prééclampsie (RR ajusté : 1,44 ; IC 95 % 1,08-1,93), de césariennes (RR ajusté : 1,40 ; IC 95 % 1,25-1,56) et de la prématurité (RR ajusté : 1,43 ; IC 95 % 1,14-1,81) sans aggravation du risque de retard de croissance. Le risque d’accouchement prématuré apparaît statistiquement associé à la prescription d’AINS.

(1) Hamroun S et al, abstr. OP012
(2) Zucchi D et al, abstr. OP0128
(3) Hamroun S et al, abstr OP 0153
(4) Morin M et al, abstr. OP 0126

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Source : Le Quotidien du médecin