Maladie orpheline, la cardiopathie amyloïde à transthyrétine, qui met en jeu le pronostic vital, est une pathologie sous-diagnostiquée. Elle pourrait en effet concerner près de 5 % des patients ayant une cardiopathie hypertrophique, et jusqu’à 13 % de ceux ayant une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection ventriculaire gauche préservée. En l’absence de recommandations précises, le traitement faisait jusqu’alors essentiellement appel à des soins de support, avec une médiane de survie de 2,5 à 3,6 ans selon qu’il s’agissait d’une forme mutée (héréditaire) ou sauvage (sénile).
La meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie, qui découle de l’accumulation de fibrilles amyloïdes composées d’agrégats d’une protéine, la transthyrétine, a permis de développer des approches thérapeutiques spécifiques. C’est le cas du tafamidis, stabilisateur spécifique de la transthyrétine capable de se lier aux formes mutées ou sauvages de la protéine, qui a été le premier traitement pharmacologique à démontrer son efficacité dans les formes neurologiques de la maladie.
Des bénéfices très nets
L’étude ATTR-ACT apporte cette fois la preuve de son efficacité dans les atteintes cardiaques. Cet essai de phase III a randomisé en double aveugle plus de 400 patients : 264 ont reçu le tafamidis (à la posologie de 20 ou de 80 mg/j), et 177 un placebo. Après trente mois de traitement, les bénéfices sont très nets : 70,5 % des patients traités par tafamidis étaient vivants, versus 57,1 % dans le groupe placebo, soit une réduction de 30 % de la mortalité de toute cause (HR : 0,698 ; IC 95 % : [0,51-0,96] ; p = 0,0259). Le taux d’hospitalisation a été réduit de 32 % (p < 0,0001), et l’étude a également souligné le bénéfice fonctionnel du traitement (test de 6 min de marche et overall summary score du Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire, KCCQ-OS).
Le traitement a été bien toléré, et les effets indésirables, similaires dans les deux groupes, ont été légers à modérés. Il s’agit donc d’une réelle avancée dans cette pathologie rare mais grave.
Cette étude est la première à proposer une solution thérapeutique à cette forme de cardiomyopathie souvent sévère et probablement sous-diagnostiquée. Il faut noter que dans cet essai le diagnostic nécessitait une biopsie tissulaire, mais des résultats plus récents ont montré qu’il pouvait être établi par scintigraphie au technécium. C’est d’autant plus important que cette approche d’imagerie permet la détection de formes plus précoces de la maladie. En effet, ATTR-ACT montre clairement que le tafamidis, par son action stabilisatrice des tétramères de transthyrétine, ralentit le cours naturel de la maladie, ce qui se traduit par un bénéfice fonctionnel observé à partir de six mois de traitement, et un bénéfice sur la survie observé après dix-huit mois. Cet essai incluait des formes très avancées, et la question est maintenant d’étudier l’effet de la molécule dans des formes plus précoces, d’autant plus que la tolérance au traitement s’est montrée très bonne dans l’étude ATTR-ACT.
D’après la présentation du Pr Claudio Rapezzi (Bologne, Italie)
Maurer MS et al. N Engl J Med. 2018 Aug 27. DOI : 10.1056/NEJMoa1805689
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