Les réactions d’hypersensibilité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens relèvent de différents mécanismes physiopathologiques et sont de présentations cliniques très variées. « C’est l’une des classes de médicaments où il n’y a pas de règle univoque, mais une stratégie qui doit être adaptée au phénotype », a rappelé la Pr Annick Barbaud, allergologue à l’hôpital Tenon (Paris). Mis à part le célécoxib, les AINS peuvent bloquer la COX-1 et perturber par ce biais le métabolisme de l’acide arachidonique et entraîner une activation mastocytaire non IgE dépendante.
On distingue d’une part des réactions d’hypersensibilité non allergiques, avec une intolérance croisée aux différents AINS, se traduisant par de l’asthme induit, le syndrome de Widal, de l’urticaire ou de l’angio-œdème chronique ou aigu. « Dans cette situation, les tests cutanés sont inutiles, et il faut recourir aux tests de provocation par voie orale (TPO) », a indiqué la Pr Barbaud. Et, d’autre part, des réactions allergiques, avec une hypersensibilité immédiate (urticaire, angio-œdème, choc anaphylactique) ou retardée. Les tests cutanés ont dans ce contexte toute leur place.
Deux fois plus de non-contrôle de l'asthme
L’asthme induit par les AINS est relativement fréquent, puisqu’il concerne 9 % des asthmatiques adultes, avec une prédominance féminine, dans les séries où le diagnostic est fait par TPO. « La dose moyenne d’acide acétylsalicylique (ASA) qui déclenche la réaction est faible, de 85,8 mg, soit moins que la dose prescrite dans le cadre d’une antiagrégation plaquettaire à visée cardiovasculaire », a précisé la Pr Barbaud. L’asthme aggravé par les AINS est associé à une plus forte morbidité : le risque de non-contrôle de l’asthme est multiplié par deux, celui d’asthme sévère augmenté de 60 %, tout comme le nombre de crises. Les consultations aux urgences et les hospitalisations sont plus fréquentes (+ 80 % et + 40 % respectivement).
Chez l’enfant, en revanche, l’asthme aggravé par les AINS est peu fréquent : sa prévalence serait de 1 %.
Des TPO successifs
Tous les AINS ne bloquent pas avec la même intensité la COX-1. L’ASA étant le bloqueur le plus fort, les TPO débutent par lui. « Ce test, mètre étalon de l’exploration de l’intolérance aux AINS, doit être impérativement réalisé en milieu hospitalier », a insisté la Pr Barbaud. Il faut ensuite réaliser des TPO successifs en utilisant les différentes classes par ordre décroissant de blocage (salicylates, piroxicam, arylpropioniques, acides arylacétiques, fénamates, pyrrolopyrrolle, pyrazolones, paracétamol, nimésulide, méloxicam) pour déterminer le niveau de réactivité au blocage de la COX-1. « Il ne faut pas oublier que le paracétamol, faible inhibiteur de la COX-1 et de la COX-2, peut entraîner une intolérance », met en garde la spécialiste.
En pratique, en cas d’hypersensibilité aux AINS, un interrogatoire précis est essentiel pour différencier les types de réactions et adapter la prise en charge : réaction prévisible ou non, délai d’apparition, analyse des symptômes induits et de la pathologie sous-jacente, recherche d’antécédents d’intolérance à un autre AINS ou autres.
Communication de la Pr Annick Barbaud, allergologue à l’hôpital Tenon (Paris)
(1) Cortellini G et al. Allergy. 2017 Mar;72(3):498-506
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