Dr Benjamin Silbermann, prison de la Santé (Paris) : « La prison est une cocotte-minute »

Publié le 05/02/2021
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Responsable de l’unité sanitaire de la prison de la Santé, à Paris, le médecin raconte comment, malgré la promiscuité, la bonne organisation de son établissement a permis d’éviter la catastrophe face au Covid-19.

Comment avez-vous vécu l’arrivée du SARS-CoV-2 en prison au printemps dernier ?

Dr Benjamin Silbermann : Au début, on craignait le pire. J’étais persuadé que cela allait être une catastrophe. La prison est une cocotte-minute : les détenus sont enfermés à plusieurs dans une cellule de 8 m², leur cour de promenade est assez petite… Nous nous sommes donc tout de suite mis en ordre de bataille, notamment en arrêtant les visites de suivi médical à l’extérieur, et en ne gardant que celles qu’on ne pouvait pas reporter. Nous avons aussi établi une liste des détenus qui avaient des facteurs de risque de faire des formes sévères : environ 100 détenus sur 800, que nous avons surveillés en continu. J’ai écrit aux services sociaux de la prison afin de signaler leur état de santé aux juges.

Cela a-t-il permis de faire baisser le nombre de détenus ?

Dr B. S. : Oui, à la suite de nos démarches, mais aussi parce que la justice a pendant un temps arrêté de fonctionner et qu’il n’y avait donc plus d’entrants, nous avons eu beaucoup moins de détenus. Tout à coup, ils pouvaient être un par cellule, et cela nous a beaucoup aidés. Mais aujourd’hui, nous sommes revenus à un nombre de détenus très élevé : nous en avons même plus qu’avant le premier confinement. Nous continuons à tenter de contrôler les risques en limitant les activités sportives, nous avons installé des plexiglas dans les parloirs… Mais c’est très dur pour les détenus.

Les mesures que vous avez prises ont-elles permis d’éviter la contamination ?

Dr B. S. : Depuis le 17 mars, 37 détenus ont eu le Covid, dont deux hospitalisés et revenus ensuite. La catastrophe n’est donc finalement pas arrivée. La prison permet en effet de détecter, confiner et enquêter. Dès qu’un détenu a le moindre signe évocateur, on le prélève, il est isolé 24 heures et on fait si possible une enquête cas contact. Je dois dire à ce titre que l’administration pénitentiaire a bien joué le jeu, et nous a beaucoup aidés.

Avez-vous eu les équipements de protection nécessaires pour contenir l’épidémie ?

Dr B. S. : Pour le personnel soignant, oui. L’hôpital Cochin, dont nous dépendons, nous a beaucoup soutenus en nous fournissant des masques, mais aussi pour les prélèvements. En revanche, les détenus n’ont eu des masques que tardivement. Nous pouvions en donner à ceux qui venaient à l’unité sanitaire mais notre rôle n’était pas d’en fournir à tout le monde. Aujourd’hui, heureusement, l’administration pénitentiaire peut fournir aux détenus deux masques par jour.

Êtes-vous inquiet pour la suite ?

Dr B. S. : Il y a un surrisque d’exposition en prison mais les détenus ont, dans une certaine mesure, accès aux soins beaucoup plus facilement qu’à l’extérieur, et nous sommes capables de dépister, isoler, enquêter. C’est donc mitigé. En revanche, j’estime que cette population devrait être l’une des premières à être vaccinée. Nous avons deux détenus de plus de 75 ans qui ont pu l’être, mais l’âge devrait être abaissé pour tenir compte des spécificités de la prison… Même si je sais que c’est un message qu’on aura du mal à faire passer. 


Source : lequotidiendumedecin.fr