Claude Le Pen °

« Une position stratégique incontestable »

Publié le 07/03/2014
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Si l’on regarde les données de l’IRDES, il semble que le recours au généraliste va croissant depuis trente ans. Comment l’expliquez-vous ?

Claude Le Pen. Il est exact que le nombre de consultations et visites de généralistes par personne et par an est passé de 3 environ en 1980 à un peu plus de 4 en 2011, soit une augmentation d’un tiers environ. Mais il faut relativiser. En fait, la structure de l’activité du généraliste s’est transformée : les visites ont fortement régressé au profit des consultations. En outre, c’est toute la consommation médicale des Français qui a augmenté et pas seulement la fréquentation des généralistes. Les consultations de spécialistes sont passées de 0,9 à 1,6 par personne et par an. Et le nombre de séjours hospitaliers a également augmenté de 30 %. Ces chiffres montrent cependant que la médecine générale dont, il y a trente ans, on prédisait volontiers la disparition au profit de la médecine de spécialité, a remarquablement bien résisté. Les généralistes restent le contact le plus fréquent des Français avec le système de soins, répondent à une demande de la population et leur positionnement stratégique dans le système de santé n’est plus guère contesté aujourd’hui.

Près de dix ans après sa mise en place, le parcours de soins a-t-il transformé la place du généraliste ?

C. Le P. Le dispositif du « médecin traitant », créé en 2004, est entré dans les mœurs. Et, même s’il reste peu contraignant pour les patients, il ne faut pas négliger son effet matériel : les médecins généralistes ne le voient peut-être pas toujours mais leurs confrères de certaines spécialités cliniques le perçoivent très clairement ! Il semble aujourd’hui à peu près clair pour tout le monde que l’avenir du médecin généraliste n’est pas dans la confrontation avec le spécialiste mais dans la complémentarité des rôles. Et, sur ce chapitre, il reste des progrès à accomplir même si on avance dans la bonne direction avec, par exemple, les expériences de suivi de pathologies chroniques ou les encouragements à de nouvelles formes d’organisation des soins plus collectives, plus multidisciplinaires. La ROSP ou les « nouveaux modes de rémunération » (NMR) aident à cette mutation.

Le parcours des soins peut-il être renforcé ? Par exemple en donnant un droit de regard aux généralistes sur les hospitalisations ou un leadership sur les actions de prévention ?

C. Le P. Le parcours de soins doit être défini. Est-ce que l’on désigne par là un acte médico-administratif (un peu ce qu’est la déclaration de « médecin traitant ») ou une vraie coordination des soins avec suivi « longitudinal » des patients et partage d’information ? Renforcer les contraintes administratives peut être parfois nécessaire, mais ce n’est jamais suffisant et c’est parfois mal vécu. Il faut s’attaquer aux causes profondes de cloisonnement de notre système qui sont multiples et qui tiennent pour une large partie aux processus d’allocation budgétaire, à l’organisation des soins… et aux mentalités. C’est un travail de longue haleine qui est engagé. Ce n’était pas le cas il y a trente ans.

*Economiste de la santé à l’Université Paris-Dauphine.

Source : lequotidiendumedecin.fr