Des médecins entre écoeurement et incrédulité

Publié le 12/03/2020
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Dr Philippe Cuq* : « La vigilance ne doit plus être prise en défaut »

« Même si l’ambiance et la vigilance n’étaient pas les mêmes il y a trente ans, de tels actes, si la justice les confirme, n’en sont pas moins aussi stupéfiants qu’écœurants. Un chirurgien intervient toujours au bloc au sein d’une équipe, en consultation, quand il s’agit de mineurs, les parents sont présents et les salles de réveil ne sont jamais individuelles, avec des soignants qui s’y relayent en permanence. Il faudra tirer les enseignements de l’enquête pour que, dans aucun contexte, la vigilance ne puisse plus être prise en défaut et que les procédures disciplinaires soient implacables et immédiates. »

*Président de l’Union des chirurgiens de France

Dr Rachel Bocher* : « Absolument incroyable »

« Qu’un praticien hospitalier ait pu ainsi passer à l’acte pendant des années, qu’il n’ait pas été repéré et qu’il n’ait fait l’objet d’aucune sanction, c’est absolument incroyable. Tous les médecins qui interviennent à l’hôpital, quelles que soient leurs spécialités, sont membres d’équipes où chacun est solidaire de tous, observé par tous. Le moindre dysfonctionnement attire forcément l’attention. »

*Présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers.

Dr Daniel Le Bras* : « Rien qui n'ait suscité ma suspicion »

« Les actes tels que le Dr Le Scouarnec les a décrits dans ses carnets et tels que les gendarmes me les ont rapportés, sont incompatibles avec des actes médicaux ou chirurgicaux. Ils n’ont évidemment rien à voir avec les protocoles. Ils sont d’autant plus incroyables dans un hôpital comme celui de Quimperlé qu’il n’y a pas de service pédiatrique et que les salles de réveil sont communes. Pour ma part, je n’ai rien observé qui ait suscité ma suspicion. Nous étions cinq anesthésistes à nous relayer. Et aucun de nous, ni aucune infirmière, ni aucune panseuse n’a signalé un geste anormal.

* ex-anesthésiste au CH de Quimperlé

Dr Gilles Lazimi* : « Nous avons tous été défaillants »

« Qu’une telle omerta ait pu être observée dans plusieurs établissements au cours de dizaines d’années, que la confraternité ait verrouillé une telle loi du silence, qu’aucune plainte n’ait été transmise à l’Ordre, qu’aucune sanction disciplinaire n’ait été appliquée, cela prouve que nous avons tous été défaillants. C’est flagrant, c’est inadmissible ! Aujourd’hui, la sensibilisation a évolué, il faut tirer les enseignements d’une affaire qui est bien plus qu’un fait divers, mais un révélateur dramatique pour toute la profession. »

*professeur de médecine générale, ex-membre du Haut comité à l’égalité entre les femmes et les hommes.

 


Source : Le Quotidien du médecin