Expérimentation sur le cannabis médical : premiers résultats favorables

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Publié le 13/01/2023
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L’expérimentation actuelle du cannabis thérapeutique est prolongée d’une année. Cependant, les premières données cliniques ont été dévoilées, concernant les registres sur la douleur neuropathique réfractaire et les soins palliatifs. Le cannabis médical apparaît être un bon traitement du patient douloureux.
 À six mois, une baisse de plus de 30 % de l’intensité de la douleur neuropathique pour 31 % des patients

À six mois, une baisse de plus de 30 % de l’intensité de la douleur neuropathique pour 31 % des patients
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Lancée en mars 2021, l’expérimentation permet de tester dans des conditions réelles, la mise en place d’une nouvelle politique publique. « Elle n’a pas pour but d’évaluer l’efficacité du cannabis médical, même si des données cliniques sont recueillies », a souligné Nathalie Richard, directrice de cette expérimentation à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cinq indications ont été retenues : douleurs neuropathiques réfractaires, épilepsies pharmacorésistantes, symptômes rebelles en oncologie (liés aux cancers ou à ses traitements), situations palliatives et spasticité douloureuse (sclérose en plaques ou autres pathologies du système nerveux central). 

Plus de 90 % des patients pour la généralisation

« Depuis le lancement de l’expérimentation, 2 204 patients ont été inclus (au 18 octobre 2022). Actuellement, il y en a 1 453 (non sortis d'étude) dont 792 pour des douleurs neuropathiques réfractaires, 215 pour spasticité douloureuse de la sclérose en plaques, 181 pour épilepsies pharmacorésistantes, 105 en oncologie, 104 en situations palliatives et 56 pour spasticité douloureuse hors SEP », a précisé Nathalie Richard. Le gouvernement a déjà remis un rapport d’évaluation au Parlement fin septembre 2022. Il en ressort un bilan positif en faveur de la faisabilité du circuit de mise à disposition du cannabis médical, avec cependant trop peu d’implication des médecins généralistes. Il n’y a pas eu de problématiques d’abus ou de détournement du cannabis. Au total, 91 % des patients indiquent être favorables à la généralisation. 

Une efficacité sur les douleurs neuropathiques

Le Dr Nicolas Authier (Clermont-Ferrand) a présenté les premiers résultats après douze mois d’expérimentation, dans les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies accessibles (médicamenteuses ou non). L’analyse des données porte sur 739 patients (54 % de femmes, âge moyen 58 ans). Parmi eux, 28 % sont sortis de l’expérimentation : 49 % pour effets indésirables et 41 % pour inefficacité du traitement. À l’inclusion, 81 % des patients avaient une douleur forte (67 %) ou insupportable (14 %). Au bout de six mois, ils n’étaient plus que 29 %. À trois mois, les patients étaient déjà soulagés.

Concernant le questionnaire Brief Pain Inventory (BPI), 31 % des patients avaient une baisse de plus de 30 % du score d’intensité de la douleur au bout de six mois. Selon le Patient Global Impression of Change (PGIC), l’amélioration est importante, ou très importante, pour un peu plus de 40 % des patients dès le troisième mois. Elle reste stable au sixième et neuvième mois. Le traitement commence dans 80 % des cas par du cannabidiol (CBD) seul ou dominant, puis à partir du troisième mois, le tétrahydrocannabinol (THC) est plus prescrit. Deux tiers des patients s’avèrent stabilisés avec du THC.

Sur les 691 cas de pharmacovigilance déclarés (au 11 octobre 2022), 395 concernaient l’indication douleur neuropathique (dont 27 cas graves). Les effets indésirables les plus fréquents étaient les troubles du système nerveux central, les affections gastro-intestinales, etc. « Le cannabis médical est un traitement du patient souffrant de douleur neuropathique, plutôt que de la douleur neuropathique elle-même », en conclut le Dr Authier. 

Et en soins palliatifs ?

« Le cannabis médical est utilisé depuis près de quinze ans en Israël, dans la douleur cancéreuse en phase avancée. Les études ont montré que la douleur est mieux tolérée, mais peu soulagée (celle-ci étant multifactorielle) », a confirmé la Dr Laure Copel, groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon (Paris). Une étude observationnelle a suivi 2 970 patients cancéreux traités par cannabis de 2015 à 2017, notamment pour insomnies et douleurs. À six mois, 67 % des patients poursuivaient leur traitement, 51 % rapportaient une amélioration significative et 45 % une amélioration modérée. La qualité de vie était nettement meilleure (1).

Les données du registre soins palliatifs portent sur 150 patients (72 non sortis), d’âge moyen 54 ans. La durée moyenne de traitement a été de trois mois, avec trois consultations pour titration. En conclusion, l’amélioration de l’état de santé perçu a été importante, malgré de nombreux décès. « Je pense que c’est un médicament qui apaise plutôt qu’il ne soulage. Un autre avantage est qu’il entraîne une diminution progressive sur six mois de la consommation d’opioïdes et de psychotropes », constate la Dr Copel.

(1) Bar-Lev Schleider L et al. Prospective analysis of safety and efficacy of medical cannabis in large unselected population of patients with cancer. Eur J Intern Med. 2018 Mar;49:37-43

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin