Après TAVI, l'apixaban ne fait pas mieux qu’un antiplaquettaire ou AVK

Par
Publié le 11/06/2021
Article réservé aux abonnés
Selon l’étude ATLANTIS, l'apixaban n’est pas supérieur au traitement standard antiplaquettaire ou antivitamine K (AVK), après un remplacement valvulaire aortique percutané (TAVI). Le Pr Jean Philippe Collet revient sur les résultats de cet essai.
Une étude menée sur plus de 1 500 personnes en post-TAVI entre 2016 et 2019

Une étude menée sur plus de 1 500 personnes en post-TAVI entre 2016 et 2019
Crédit photo : Phanie

Après TAVI, les évènements thrombotiques et hémorragiques sont fréquents et affectent la survie. Les thromboses de bioprothèses surviennent aussi fréquemment, mais leurs conséquences font débat. Le choix du traitement antithrombotique reste donc discuté après TAVI. En pratique, un antiplaquettaire seul est l'option la plus sûre, quand il n'y a pas d’indication à un traitement anticoagulant pour une autre raison que le TAVI. En cas d’indication à une anticoagulation, l’AVK est mieux toléré seul qu’associé à un antiagrégant, sans aucune perte d’efficacité.

La place des anticoagulants oraux directs (AOD) reste tout aussi débattue. Supérieurs aux AVK chez les patients en fibrillation atriale (FA), les AOD pourraient donc avoir chez ces sujets un intérêt après TAVI. L'étude randomisée GALILEO a démontré que le rivaroxaban à faible dose, en l’absence d’indication à un traitement anticoagulant, n’apporte aucun bénéfice par rapport à l'aspirine seul. Son utilisation est associée à davantage de saignement et à une surmortalité.

Conduite par le groupe académique Allies in Cardiovascular Trials Initiatives and Organized Networks (1) et présentée par les Prs Collet et Montalescot lors du congrès de l’ACC, l’étude randomisée ATLANTIS a évalué l'apixaban par rapport au traitement antithrombotique standard (comprenant un AVK ou de l'aspirine), après TAVI (2,3).

Une randomisation stratifiée selon l’anticoagulation

Menée dans 50 centres et quatre pays (France, Allemagne, Italie, Espagne), l'étude ATLANTIS a recruté plus de 1 500 personnes en post-TAVI entre 2016 et 2019. Un tiers (n = 451) avait une indication à un traitement anticoagulant, essentiellement en raison d'une FA, et a été randomisé pour recevoir un AVK ou l’apixaban (5 mg matin et soir). Dans la strate sans indication au traitement anticoagulant (n = 1 049), les patients recevaient un traitement par antiplaquettaire (simple ou double) ou de l’apixaban (5 mg matin et soir). Les patients étaient à risque intermédiaire ou élevé, avec un âge moyen de 81 ans. Le critère primaire de jugement, évalué après un an de suivi, associait la mortalité totale, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou ischémiques transitoires (AIT), les infarctus du myocarde (IDM), les embolies systémiques, les thromboses de valves, les thromboses veineuses, les embolies pulmonaires et les hémorragies majeures. Il comprenait également les thromboses de valves infracliniques, dépistées par scanner multiphase lors du suivi.

Pas de bénéfice clinique net

« L'apixaban n’est pas supérieur au traitement standard (critère primaire de jugement) malgré une tolérance identique (hémorragies) et une réduction de plus de 50 % des thromboses infracliniques de valve », relève le Pr Collet. L’analyse exploratoire par strate est intéressante mais ne permet pas de tirer de conclusions définitives.

« Dans la population ayant une indication au traitement anticoagulant (strate1), on ne met en évidence aucune différence entre les bras, quels que soient les critères analysés. Les mêmes taux d'évènements thrombotiques ou hémorragiques sont observés, 21,9 % versus 21,9 % pour le critère primaire. Et les thromboses de valve sont extrêmement rares : 1 % dans chaque bras », souligne le Pr Collet.

Dans la seconde strate où les patients n’ont pas d’indication à un traitement anticoagulant, on observe le même taux événements hémorragiques, d'IDM et d'AVC. Néanmoins, l'apixaban est associé à moins d'embolies pulmonaires, moins de thromboses veineuses profondes et considérablement moins de thromboses de valves infracliniques (1 % dans le groupe apixaban versus 6 % dans le bras antiplaquettaire). En revanche, comme dans GALILEO, il est observé un signal sur la mortalité non cardiovasculaire, augmentée sous apixaban. Cette différence n’est en aucune façon expliquée par des évènements thrombotiques ou hémorragiques. La cause des décès est le sepsis, ou la défaillance d’organes multiples… Un effet du hasard ne peut pas être exclu.

Quelles implications en pratique ?

« Actuellement, chez les sujets sous AOD, un relais par AVK est préconisé en cas de TAVI, au moins durant les trois premiers mois après l’intervention. ATLANTIS suggère que ce relais n'est pas indispensable. Sous apixaban, les sujets nécessitant une anticoagulation ont un taux d’événement strictement superposable à celui observé sous AVK. Nul besoin donc de faire un relais, conclut le Pr Collet. Quant aux sujets n’ayant pas d'indication à un anticoagulant, la monothérapie par antiagrégant plaquettaire doit rester le traitement par défaut. L’anticoagulation par apixaban pourrait se discuter chez les patients à risque de thrombose de valve, et en particulier en cas d’anneau aortique de petite taille ou de procédure dite de valve-in-valve ». 

(1)  https://www.action-groupe.org
(2)  Collet JP, Montalescot G et al. Oral anti-Xa anticoagulation after trans-aortic valve implantation for aortic stenosis: the randomized Atlantis Trial. Late Breaking I, 15 mai, ACC 2021.
(3)  Etude sponsorisée par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, financée par le Fond de dotation ACTION et l’alliance BMS/Pfizer.

Pascale Solere

Source : Le Quotidien du médecin