Fatigue cardiaque

Une anomalie de régulation du sarcomère

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Publié le 08/12/2020
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La popularité des courses d’extrême endurance augmente depuis 30 ans, tout comme l’âge moyen des participants. C’est devenu un challenge personnel pour beaucoup d’individus. Cependant, les mécanismes intimes de la fatigue cardiaque sont désormais mieux connus.
Dans un long triathlon, une dysfonction systolique et une élévation de la troponine cardiaque apparaissent

Dans un long triathlon, une dysfonction systolique et une élévation de la troponine cardiaque apparaissent
Crédit photo : phanie

La pratique des courses d'endurance s’est durcie avec l’apparition des « ultra » où les efforts intenses dépassent les 10 heures d’affilée. Pour autant, elle ne fait l’objet d’aucune recommandation médicale particulière. Pourtant, au cours des 10 dernières années, il a été montré que ce type d’épreuves physiques extrêmes était à l’origine de troubles transitoires de la fonction cardiaque, aujourd’hui connu sous le nom de fatigue cardiaque.

Quel effet sur la contractibilité cardiaque ?

Après une course d’endurance extrême, le cœur peut présenter une dysfonction durable. Ses mécanismes cellulaires intimes demeurent inconnus. L'équipe du Dr Olivier Cazorla (Montpellier) cherche à identifier les mécanismes qui affectent la contractilité cardiaque en fonction de la durée de l’exercice.

La fonction cardiaque, explorée par échocardiographie, apparaît améliorée par une course modérée d’une demi-heure. En revanche, si la course se prolonge, l’effort étant intense mais sa durée relativement modérée (2 à 4 heures), comme lors d’un marathon, une dysfonction diastolique apparaît, sans atteinte majeure de la fonction systolique. Cette dysfonction persiste toutefois expérimentalement sur un cœur isolé. Lors d’un effort très intense et d’une durée prolongée comme dans un long triathlon, une dysfonction systolique apparaît, de même qu’une élévation de la troponine cardiaque. Pour rappel, le triathlon de courte distance, qui correspond au format olympique, associe 1500 m de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied, alors que dans le triathlon dit Ironman, 3800 m de natation précèdent 180 km de vélo et 42,195 km de course à pied. Pour les habitués des longues distances qui souhaitent se lancer un nouveau défi, des triathlons extrêmes sont apparus. Ainsi, une épreuve norvégienne associe un départ de nuit dans les eaux glacées d’un fjord, un parcours cycliste de 3 360 m de dénivelé et une course à pied en montagne. Certains associent même plusieurs Ironman de suite dans un ultratriathlon…

Bien que ces phénomènes de fatigue cardiaque soient rapportés dans un grand nombre d’études cliniques sur le terrain ou en laboratoire, leurs mécanismes cellulaires et moléculaires ne sont pas encore clairement identifiés.

Les protéines du sarcomère touchées

L’étude du couplage excitation-contraction à l’échelle cellulaire montre que les protéines du sarcomère sont préférentiellement affectées (1). La réponse du cœur à l’exercice est associée à un stress adrénergique et oxydant.

À l’étage des protéines contractiles des myocytes cardiaques, un exercice modéré engendre à la fois l’activation d’un signal adrénergique, caractérisé par la phosphorylation de certaines protéines régulatrices cibles, et une signalisation redox qui conduit à la s-glutathionylation d’une protéine clé dans la régulation de la fonction sarcomérique, la Myosin Binding protein-C (MyBP-C). Lorsque l’exercice est intense et prolongé, la s-glutathionylation de la MyBP-C empêche la signalisation dépendante du stress adrénergique d’atteindre ses cibles au niveau des protéines contractiles. Ces modifications au niveau du sarcomère sont directement corrélées aux modifications contractiles de la cellule cardiaque et du cœur entier.

Il est possible de prévenir expérimentalement ces altérations fonctionnelles avec une supplémentation précédant la course, en faisant appel à un antioxydant à large spectre, la N-acetylcystéine (NAC). Cela permet de normaliser le niveau de s-glutathionylation de la MyBP-C.

D'après la communication du Dr Olivier Cazorla (Montpellier), Printemps de la cardiologie
(1) Chakouri N et al. Int J Cardiol 2018;258:207-16.

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du médecin