Infections : faire simple

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Publié le 10/03/2023
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La prise en charge d’une plaie suspecte d’infection obéit à des règles précises mais souvent oubliées : pas de prélèvements superficiels, les réserver aux plaies cliniquement infectées, peu ou pas d’antiseptiques ni d’antibiotiques topiques. La décision d’une antibiothérapie systémique est mûrement pesée, avec le spectre le plus étroit et la durée la plus courte possible.
Le germe isolé n’est pertinent que si on est certain de la qualité du prélèvement et de sa conservation

Le germe isolé n’est pertinent que si on est certain de la qualité du prélèvement et de sa conservation
Crédit photo : CDC-VOISIN / PHANIE

La peau saine est colonisée par des bactéries commensales, que des prélèvements peuvent incriminer à tort. Il n’existe pas de consensus pour le diagnostic d’infection d’une plaie chronique, mais diverses sociétés savantes ont établi des critères qui doivent être au nombre de deux : chaleur ou douleur locale, érythème supérieur à 0,5 cm autour de la plaie, tuméfaction, induration ou écoulement purulent. L’infection est aussi suspectée sur un retard de cicatrisation, une modification de la couleur de la plaie, un tissu de granulation friable, un saignement spontané, une odeur nauséabonde, un décollement des berges de la plaie.

Le prélèvement n’est pas systématique

« Il n’est pas toujours indispensable de faire un prélèvement, l’épidémiologie permettant le plus souvent de proposer une antibiothérapie probabiliste adaptée », remarque le Dr Lucas Perez (médecine interne, CHU Montpellier). Une plaie superficielle récente sera le plus souvent infectée par un S. aureus, relativement sensible en France, un streptocoque bêtahémolytique, en particulier le S. pyogenes, dont la prévalence augmente. Dans les plaies chroniques, ou antérieurement traitées par antibiotiques, on retrouvera des P. aeruginosa en plus des entérocoques, en cas de macération importante.

Le prélèvement n’a réellement d’intérêt que si on craint un agent infectieux inhabituel ou résistant, après une exposition à l’eau de baignade ou une antibiothérapie, chez des patients hospitalisés ou en cas d’échec du traitement. Il ne doit être réalisé que sur une plaie infectée cliniquement, après avoir éliminé les contaminants par débridement et nettoyage. L’écouvillonnage superficiel n’a plus sa place, car il met en évidence des germes commensaux ; on privilégiera un curetage, l’aspiration d’une collection et, si possible, une biopsie de tissus mous, ou osseuse. Le germe isolé n’est pertinent que si on est certain de la qualité du prélèvement et de sa conservation, s’il s’agit d’un pathogène certain, ou qu’il est présent sur deux prélèvements différents.

Pas de topiques

Les antibiotiques topiques n’ont pas d’indication dans les infections de plaies, en dehors de l’acide fusidique et de la mupirocine en cas d’impétigo. Ils génèrent des antibiorésistances. La place des antiseptiques est très réduite car, s’ils ont montré leur intérêt dans l’antisepsie de la peau saine, ils n’ont jamais fait leurs preuves ni en curatif ni en préventif dans les infections des plaies, et ils peuvent provoquer des réactions d’intolérance cutanée et un retard de cicatrisation.

Le miel est largement utilisé en Asie, avec de bons résultats du fait de ses effets osmotiques et des nombreuses substances antibactériennes qu’il contient, mais son efficacité n’a pas été rigoureusement démontrée. Les recommandations préconisent les pansements à l’argent lorsque la charge microbienne est élevée ou en prévention de l’infection d’une plaie à haut risque, comme dans certains ulcères veineux. Ils ne sont remboursés que s’ils sont prescrits avec leur nom de marque.

« La prise en charge de l’étiologie — insuffisance veineuse, artérite ou diabète — est essentielle pour favoriser la cicatrisation et éviter l’infection, insiste la Dr Monira Nou Howaldt (médecin vasculaire, CHU de Montpellier). Un bon état vasculaire est aussi indispensable pour assurer une bonne diffusion des antibiotiques. »

Antibiothérapie parcimonieuse

Dans la plupart des plaies infectées, on peut prescrire souvent d’emblée l’association amoxicilline/acide clavulanique, efficace sur les S. aureus, les streptocoques et les germes anaérobies. En association dans les formes graves, ou seule en cas d’allergie, la clindamycine peut être proposée, avec éventuellement le cotrimoxazole ou la ciprofloxacine face à une notion d’une contamination hydrique. La pristinamycine peut être choisie dans les formes non graves. La HAS rappelle qu’un traitement de sept jours est suffisant. La présence d’une ostéite impose une antibiothérapie documentée associée à une résection des tissus infectés et un recouvrement chirurgical si nécessaire.

Exergue : Il faut être certain de la qualité du prélèvement et de sa conservation

Session M6

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin