L’heure des avancées thérapeutiques

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Publié le 18/01/2024
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Les dernières Journées dermatologiques de Paris ont permis de mesurer les progrès accomplis dans le mélanome et la dermatite atopique, deux pathologies qui ont bénéficié depuis quelques années d’une révolution thérapeutique. Ce congrès est aussi revenu sur le traitement de la gale, qui a fait l’objet de recommandations récentes.

Le nombre de cas augmente mais la mortalité reste stable

Le nombre de cas augmente mais la mortalité reste stable
Crédit photo : NCI/PHANIE

Les topiques sont particulièrement intéressants dans les formes modérées à sévères mais non diffuses de dermatite atopique

Les topiques sont particulièrement intéressants dans les formes modérées à sévères mais non diffuses de dermatite atopique

Chaque année, on dénombre environ 18 000 nouveaux cas de mélanome en France, chiffre en constante augmentation depuis vingt ou trente ans, tandis que le nombre de décès qui lui sont imputables tend à rester stable, autour de 2 000 par an, grâce aux progrès thérapeutiques.

Les données à dix ans de la cohorte RIC-Mel, présentées aux Journées dermatologiques de Paris (JDP), fournissent une photographie très riche d’enseignements sur ce cancer cutané. Avec plus de 33 000 patients inclus et plus de 37 000 cas de mélanome rapportés entre mars 2012 et mai 2023, il s’agit de la plus grande cohorte française de patients atteints de mélanome. L’âge médian au diagnostic est de 62 ans (50,4 % d’hommes et 49,6 % de femmes), les sous-types histologiques sont conformes aux autres données françaises (59 % de tumeurs superficielles extensives, 10 % de formes nodulaires, 10 % de mélanomes de Dubreuilh). Dans 63 % des cas, le stade est précoce au diagnostic (6 % in situ, 41 % stade I et 16 % stade II de la classification AJCC). Une mutation Braf a été retrouvée dans 45 % des quelque 22 000 prélèvements analysés. Quant au taux de mutation Nras, il est de 35 %, chiffre qui interroge car plus élevé que ce qui est rapporté dans la littérature (20 %).

Amélioration de la prise en charge du mélanome

Lors du traitement chirurgical, la technique du ganglion sentinelle a été réalisée chez un patient sur quatre, ce geste ayant connu une nette augmentation (40 %) entre 2018 et 2021.

Au cours de la période étudiée, le recours à un traitement systémique a été de 28 % (35 % au cours des trois dernières années), avec une prépondérance de l’immunothérapie entre 2018 et 2022 (67 % des traitements adjuvants versus 15 % pour la thérapie ciblée). La chimiothérapie fait toujours partie de l’arsenal thérapeutique mais a connu, logiquement, une baisse importante, et ne concerne plus qu’environ 13 % des patients depuis 2015.

Les données de cette cohorte vont faire l’objet de plusieurs projets de recherche, académique et industrielle, dont deux en lien avec l’intelligence artificielle : HealthChain sur la prédiction de la réponse thérapeutique des traitements curatifs et VisioMel sur la prédiction de la récidive à cinq ans.

Le ganglion sentinelle en question

Si le recours à la technique du ganglion sentinelle, introduite en 1992 pour rechercher une atteinte ganglionnaire infraclinique, a connu une nette augmentation au fil des années, sa place est aujourd’hui remise en cause par certains, qui lui reprochent son absence de bénéfice sur la survie globale, son caractère imparfait en raison de faux négatifs, la morbidité qui lui est associée (11 % de complications) et son coût. À l’inverse, ses partisans soulignent que ce geste reste indispensable pour déterminer l’éligibilité à un traitement adjuvant par thérapie ciblée en cas de mutation Braf. Et, s’il n’est plus requis pour l’accès au traitement adjuvant par anti-PD1 pour les mélanomes de stade 2B-2C, il apporte une information pronostique utile au médecin et au patient pour apprécier le rapport bénéfices-risques du traitement (discussion au cas par cas).

De plus, en améliorant le contrôle régional, même avec un traitement adjuvant, il aurait un effet thérapeutique dans les tumeurs T3b/T4a. Il faut aussi souligner que le taux de complications est très opérateur dépendant, et donc fortement réduit dans des mains entraînées.

Dermatite atopique : l’arsenal s’élargit

Dans un tout autre domaine, la dermatite atopique (DA), pour laquelle l’arsenal thérapeutique est pendant longtemps resté limité, bénéficie, elle aussi, de l’arrivée de nouvelles molécules. Lorsqu’un traitement systémique est indiqué, en cas d’échec, d’intolérance ou de contre-indication à la ciclosporine – qui constitue la première ligne de traitement chez l’adulte –, on peut faire appel en deuxième ligne à une biothérapie (dupilumab, tralokinumab) ou un anti-JAK (baricitinib, upadacitinib, abrocitinib).

Une nouvelle biothérapie ciblant aussi l’IL-13, mais de façon différente, en bloquant le récepteur alpha 1 et respectant l’alpha 2, est en cours de développement clinique : le lebrikizumab. Les études pivot Advocate 1 et 2 ont confirmé son efficacité chez les adultes et les adolescents, ainsi que son profil de tolérance favorable (taux de conjonctivite de 7,4 et 7,5 % respectivement, versus 2,8 et 2,1 % pour le placebo).

Autre biothérapie en évaluation, le némolizumab, qui bloque le récepteur de l’IL-31 responsable du prurit. Son efficacité et son profil de tolérance favorable ont aussi été confirmés dans deux essais de phase 3, Arcadia 1 et 2, chez l’adulte et l’adolescent.

D’autres biothérapies sont attendues, notamment l’amlitelimab et le rocatinlimab, ce dernier faisant l’objet d’un essai de phase 3. Un anti-IL-22, le temtokibart, a fait la preuve de son profil de tolérance favorable dans un essai de phase 2a chez l’adulte.

Les inhibiteurs de JAK ne sont pas en reste, avec des molécules topiques en développement qui paraissent particulièrement appropriées pour le traitement de formes de DA modérées à sévères mais non diffuses. Le ruxolitinib topique a ainsi été évalué dans des essais de phase 3 chez l’adulte et l’adolescent et les données de phase 3 chez l’enfant de 2 à 12 ans ont été récemment présentées. Une AMM européenne est également attendue pour un autre anti-JAK en topique, le delgocitinib, qui a montré un effet rapide sur le prurit.

Enfin, plusieurs inhibiteurs de PDE4 en topique (crisaborole, roflumilast, difamilast) pourraient aussi venir élargir l’arsenal thérapeutique, sans oublier le tapinarof, un modulateur du récepteur des aryl-hydrocarbures.

Gale de l’enfant, de nouvelles recommandations

Le centre de preuves de la Société française de dermatologie vient de finaliser de nouvelles recommandations pour la prise en charge de la gale de l’enfant, chez lequel la dermatose prurigineuse à recrudescence nocturne peut se traduire par une irritabilité, parfois par une cassure de la courbe pondérale. Il faut traiter l’enfant, son entourage et désinfecter le linge de corps et de literie à deux reprises, après 7 à 15 jours d’intervalle.

Entre deux mois et cinq ans, le traitement topique est privilégié en première intention : perméthrine 5 % topique ou benzoate de benzyl 10 %, l’ivermectine (préparation pharmaceutique en dessous de 15 kg) étant surtout prescrite en cas d’échec, de doute sur l’observance, de mauvais état cutané ou lors de cas groupés.


Source : lequotidiendumedecin.fr