Optimiser l’accompagnement de la femme enceinte

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Publié le 07/10/2022
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Améliorer le suivi et le dépistage des maladies de la femme et du fœtus tout au long de la grossesse, et peu après l’accouchement, est un véritable enjeu de santé publique. Un travail doit être effectué pour faciliter la compréhension des informations délivrées par les soignants.
Près d’un quart de la population française a des difficultés d’écriture ou de calcul

Près d’un quart de la population française a des difficultés d’écriture ou de calcul
Crédit photo : phanie

L’entretien prénatal précoce — effectué en début de grossesse — et l’entretien postnatal précoce (réalisé entre la 4e et la 8e semaine post-accouchement) sont des occasions clés pour repérer les vulnérabilités psychiques des patientes. Depuis le 1er juillet 2022, ce dernier doit être réalisé systématiquement, avec un médecin ou une sage-femme. « La dépression du post-partum reste une cause importante de décès maternel dans l’année suivant la naissance. Cela a motivé la communauté scientifique à rendre l’entretien postnatal obligatoire », souligne la Dr Béatrice Guyard-Boileau, gynécologue-obstétricienne au CHU de Toulouse. Une mesure recommandée depuis plusieurs années par la Haute autorité de santé (HAS), et concrétisée avec l’article 86 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022.

« Mais, dans les faits, le manque d’effectifs dans les maternités et le monde libéral ne permet pas de systématiser ce rendez-vous avec les patientes, note l’obstétricienne. Cet entretien reste un champ de recherche : il faut le rendre effectif d’un point de vue organisationnel et lui donner du sens, d’un point de vue médical. Des travaux sont nécessaires pour délimiter son cadre et définir ses objectifs de façon précise. »

Une détermination simplifiée du rhésus

Lors de la découverte d’une grossesse, le bilan initial doit notamment comporter la détermination prénatale du génotype du rhésus fœtal, pour les femmes dont le groupe sanguin est Rh-négatif. Cela peut être réalisé sur une prise de sang maternel permet, dès 12 semaines, à partir de l’ADN fœtal circulant. Lorsque les résultats attestent du fait que le rhésus de l’enfant est négatif, il n’est plus nécessaire d’injecter des immunoglobulines Anti-D à la mère.

« Cette recherche génétique est un vrai progrès médical, qui permet d’éviter d’administrer des immunoglobulines, lorsque cela n’est pas nécessaire. Cela est très rassurant pour les mères, car l’injection d’anti-D est souvent anxiogène », note la Dr Boileau. Ce test de génotypage RhD fœtal à partir du sang maternel est remboursé depuis 2017. Mais il n’est malheureusement pas effectué de façon systématique en France.

Un DPNI élargi

Autre avancée en génétique, le diagnostic prénatal non invasif (DPNI). Ce test est proposé en fonction du résultat du dépistage combiné (biochimique et échographique) de la trisomie 21, effectué en début de grossesse. Lorsque le risque de trisomie est estimé à entre 1/51 et 1/1000, le DPNI est proposé par le médecin ou la sage-femme qui suit la femme enceinte. Là aussi, c’est l’ADN fœtal circulant qui est étudié. Le test révèle la présence d’une trisomie 13, 18 ou 21. « Désormais, les femmes concernées par le DPNI peuvent accéder à une recherche élargie, à d’autres anomalies des chromosomes (hors trisomie), de gravité variable, dès lors qu’elles donnent leur consentement dans ce sens », explique la Dr Guyard-Boileau. À noter, le DPNI est particulièrement intéressant et fiable dans les grossesses gémellaires.

Améliorer la littératie en santé

Pour bien comprendre l’intérêt du bilan initial, mais aussi de toutes les étapes de la prise en charge de la grossesse, les femmes doivent avoir la capacité d’absorber un grand nombre d’informations. De plus en plus de travaux, à la croisée des sciences humaines et de la médecine, s’intéressent aux compétences des usagers du système de santé, pour appréhender l’énorme afflux d’informations de santé dont ils ont besoin. La grossesse en est un bon exemple.

Les travaux scientifiques montrent que le fait de donner aux patientes des outils d’aide (flyers, vidéos…) diminue leur anxiété et augmente leur compréhension des informations délivrées. « Près d’un quart de la population française a des difficultés d’écriture ou de calcul. Durant l’entretien prénatal, il est essentiel de repérer les capacités de compréhension de chaque personne, de façon à lui proposer des outils adaptés, souligne la Dr Guyard-Boileau. Je suis porteuse d’un projet intitulé Tuto’tour de la grossesse (1). Il met à disposition des femmes enceintes 23 vidéos animées, de trois minutes chacune, avec des personnages Playmobil, pour prendre soin d’elles et de leur enfant à naître : comment prendre un traitement à base de fer ? Qu’est-ce que le dépistage de la trisomie, du diabète gestationnel ? Comment optimiser l’allaitement maternel ? » Chaque vidéo peut-être sous-titrée en de nombreuses langues, y compris la langue des signes.

Exergue : « Le manque d’effectifs ne permet pas de systématiser l’entretien postnatal précoce avec les patientes »

Entretien avec la Dr Béatrice Guyard-Boileau (CHU de Toulouse)

(1) https://www.tutotour.net/grossesse

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin