Le duo trouble de l’asthme et de l’obésité

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Publié le 09/09/2022
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Chez les enfants, l’association entre asthme et obésité va bien au-delà de la simple coexistence de deux pathologies fréquentes. De nombreuses données plaident aujourd’hui en faveur d’un phénotype « asthme et obésité ».
 La réduction du poids fait partie des stratégies thérapeutiques

La réduction du poids fait partie des stratégies thérapeutiques
Crédit photo : phanie

L’asthme infantile et l’obésité sont des problèmes de santé publique majeurs et leur prévalence a considérablement augmenté. Il existe de nombreuses preuves épidémiologiques, observationnelles et expérimentales d’une association entre l’obésité et l’asthme. Des études ont aussi montré que les enfants nés de mères obèses sont plus à risque de développer un asthme. Et le profil des patients asthmatiques obèses est différent de celui des asthmatiques non obèses. « L’obésité augmente le risque d’asthme et sa morbidité (symptômes plus fréquents et plus importants). Le contrôle de l’asthme est plus difficile, les exacerbations sont plus fréquentes, la réponse aux médicaments anti-asthmatiques réduite, et la qualité de vie moins bonne », souligne le Pr Erick Forno (Pittsburgh, États-Unis).

Une relation complexe

L’asthme lié à l’obésité est un phénotype complexe qui s’explique par des mécanismes divers. L’obésité a un effet majeur sur la mécanique ventilatoire et la fonction pulmonaire. Les études initiales chez l’adulte ont décrit un déficit restrictif, avec une réduction parallèle du VEMS et de la CVF. Cependant chez les enfants, les études sont contradictoires. Certaines ont décrit des réductions des volumes pulmonaires, comme chez les adultes. D’autres privilégient un schéma obstructif ou une dysanapsie des voies respiratoires. Il apparaît ainsi que les conséquences de l’obésité sur la mécanique des voies respiratoires sont différentes chez les enfants, selon l’âge, la gravité et la durée.

De plus, des données ont rapporté une accumulation de tissu adipeux dans les parois des voies respiratoires d’adultes obèses asthmatiques, ce qui expliquerait une partie de l’obstruction du flux d’air observée dans ce phénotype (1).

Une autre hypothèse est que l’obésité entraîne une inflammation systémique de bas grade, qui diffère de l’inflammation classique des voies respiratoires, élevée en T2, la plus fréquemment observée dans l’asthme pédiatrique (2). Une inflammation non T2 est ainsi observée chez les sujets obèses et elle apparaît médiée par des adipokines, telles que la leptine, et par l’activation des monocytes et des macrophages. Et des études ont montré que l’obésité pouvait être associée à un taux élevé de la FeNO, biomarqueur de l’inflammation éosinophilique.

Résistance à l’insuline et génétique

La résistance à l’insuline et le dérèglement métabolique ont également été impliqués dans l’asthme obèse (3). Les changements alimentaires de l’obésité peuvent contribuer à des altérations du microbiome, ce qui pourrait augmenter l’inflammation et contribuer à l’aggravation de l’asthme. La dysbiose intestinale précoce pourrait aussi entraîner des aberrations dans la maturation du système immunitaire et la régulation métabolique, conduisant, par la suite, à la fois à l’asthme et à l’obésité.

Enfin, des facteurs génétiques et épigénétiques ont été suggérés afin d’expliquer qu’à IMC égal, certains patients obèses vont développer un asthme, et d’autres pas. De nombreux gènes semblent impliqués dans le développement d’un asthme associé à l’obésité (PRKCA, LEP…). Une étude récente a montré que l’association de la trajectoire de l’IMC dans l’enfance avec l’incidence de l’asthme chez les jeunes adultes pourrait être médiée par la méthylation de l’ADN (4).

Perte de poids et corticoïdes inhalés

La Global initiative for asthma (Gina) répertorie l’obésité comme l’une des comorbidités à évaluer lors de la prise en charge des patients asthmatiques et recommande la réduction de poids comme stratégie de traitement.

Les essais contrôlés randomisés sur la perte de poids dans l’asthme, tant chez les enfants que les adultes, ont rapporté des améliorations des symptômes de l’asthme et de la qualité de vie, mais moins constantes sur la fonction pulmonaire.

Il n’existe aucun traitement pharmacologique approuvé pour « l’asthme obèse ». Des études observationnelles chez les adultes souffrant d’obésité ont montré des résultats prometteurs avec la metformine ou les agonistes des récepteurs du GLP1, mais il n’y a pas eu d’essais contrôlés.

Les interventions nutritionnelles, telles que la supplémentation en acides gras oméga-3, n’ont pas été couronnées de succès chez les jeunes souffrant d’asthme obèse.

Alors que les enfants obèses asthmatiques ont une réponse réduite aux corticoïdes inhalés (CSI), jusqu’à ce que des approches mieux ciblées soient développées, ces médicaments restent le pilier de la gestion pharmacologique de l’asthme dans cette population.

Exergue : « Les exacerbations sont plus fréquentes et la réponse aux traitements antiasthmatiques moins bonne »

Communication du Pr Erick Forno « Obesity-related childhood asthma »

(1) Eliott JG et al. Eur Respir J. 2019;54(6)1900857

(2) Rastogi D et al. Pediatr Pulmonol 2020;5(3):809-17

(3) Forno E et al. J Allergy Clin Immunol 2015;136(2):304-11

(4) Rathod R et al. Allergy Asthma Clin Immunol 2021;17:77

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin