Objectif, améliorer la santé respiratoire des enfants

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Publié le 09/09/2022
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Les maladies respiratoires chroniques les plus fréquentes (asthme et BPCO) ont leurs racines dans la petite enfance. De nombreuses communications du congrès ont ainsi porté les conséquences et les moyens de prévention face au tabagisme, à la pollution, au changement climatique… Tour d’horizon avec le Pr Michaël Fayon (CHU de Bordeaux).

Il faut prendre au sérieux une toux productive chronique persistante

Il faut prendre au sérieux une toux productive chronique persistante
Crédit photo : phanie

En raison de la pandémie de Covid-19, la 21e édition du congrès international de pneumologie pédiatrique (CIPP) s’est encore tenue de façon virtuelle cette année, avec un énorme succès, comme en témoignent les multiples communications des plus grands spécialistes provenant des pays développés et en développement, autour de thématiques communes. « Le CIPP est vraiment unique car il s’agit de la seule réunion internationale qui se concentre exclusivement sur les maladies respiratoires pédiatriques et sur les moyens d’améliorer la santé pulmonaire tout au long de la vie des enfants du monde entier », souligne le Pr Amir Kugelman (Haïfa, Israël), président de cette vingt-et-unième édition.

L’amélioration de la santé respiratoire des enfants permet de prévenir bon nombre de maladies à l’âge adulte. La prévention est essentielle car de nombreux facteurs de risque à court et à très long terme sont modifiables dès le plus jeune âge.

Le tabagisme maternel toujours répandu

La prévalence de la consommation actuelle de tabac chez les femmes adultes varie considérablement à travers le monde, allant de moins de 5 % à 53 % (à Nauru, un micro-état du Pacifique). En France, ce taux a diminué au cours des dernières années, grâce à la mise en œuvre de campagnes nationales de lutte contre le tabagisme. Cependant, la prévalence s’est stabilisée en 2020 (25,5 % des Français déclarent fumer quotidiennement), peut-être en raison de la pandémie de Covid-19.

Une métaanalyse récente a montré que le tabagisme pendant la grossesse est encore répandu dans certains pays : Irlande (38,4 %), Uruguay (29,7 %), Bulgarie (29,4 %). Cela contraste avec une prévalence mondiale du tabagisme pendant la grossesse de 1,7 %. « Les effets délétères de l’exposition in utero à la fumée de cigarette comprennent les anomalies placentaires, la prématurité, l’insuffisance pondérale à la naissance, les malformations (hernie diaphragmatique congénitale, fente labiale, fente palatine, hypospadias…), les anomalies morphologiques des poumons (hypoplasie pulmonaire, diminution de l’élastine, augmentation des dépôts de collagène, altérations de la structure alvéolaire), entraînant des troubles fonctionnels et un risque de mort subite », explique le Pr Michaël Fayon (CHU de Bordeaux).

Le tabagisme passif est également impliqué dans de nombreuses maladies respiratoires (asthme, allergie, infections) et non respiratoires (troubles dentaires, ophtalmologiques, abdominaux, cardiovasculaires, etc.). Une grande étude de cohorte néerlandaise a montré que le tabagisme grand-maternel pendant la grossesse était associé à un risque d’asthme plus élevé chez les petits-enfants de sexe masculin, même si leurs mères étaient non fumeuses. « La grossesse est une période privilégiée pour sensibiliser les parents aux messages de prévention, en leur expliquant tous les risques liés au tabagisme. L’abstinence complète doit être recherchée. Avec une consommation de substituts nicotiniques ou de e-cigarettes aussi faible que possible », ajoute le Pr Fayon.

Lourdes conséquences de la pollution

Les polluants atmosphériques sont délétères pour la croissance et la fonction pulmonaire. Ils augmentent le risque d’infections respiratoires aiguës et de maladies respiratoires chroniques (notamment l’asthme) chez les enfants. Parmi les mécanismes sous-jacents récemment mis au jour, le Pr Peter Sly (Brisbane, Australie) a évoqué le rôle joué par les radicaux libres persistants dans l’environnement (EPFR). Formés par combustion, ou d’autres processus thermiques, ils induiraient un stress oxydatif dans l’épithélium respiratoire.

La pollution et le changement climatique ont des effets directs et indirects. Des données provenant de divers registres ont par exemple montré que les enfants souffrant de mucoviscidose, dont les mères étaient exposées à des niveaux élevés de pollution atmosphérique pendant la grossesse, ont un risque accru d’acquisition précoce d’agents pathogènes liés à cette maladie, en particulier Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline.

La pollution cause trois fois plus de décès que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis, surtout dans les pays à revenu faible et intermédiaire d’Afrique et d’Asie. Les personnes de tout âge sont sensibles, mais les enfants sont plus vulnérables. Les voies d’exposition à la pollution atmosphérique sont plus nombreuses chez les jeunes enfants. En plus de l’inhalation, ils peuvent être exposés en transplacentaire, via le lait maternel, la peau, l’eau ou les aliments contaminés et en mettant des objets, les mains, les pieds dans la bouche.

Les spécialistes l’ont souligné, il serait moins coûteux d’améliorer la qualité de l’air que de continuer à payer les coûts des conséquences de la pollution.

Ne pas sous-estimer les symptômes de l’enfance

De multiples études de cohortes chez des enfants ont démontré que l’obstruction précoce des voies respiratoires se poursuit tout au long de la vie et conduit à l’apparition anticipée de la BPCO. Un faible VEMS est un marqueur de morbidité et de mortalité précoces toutes causes confondues, y compris cardiovasculaires et métaboliques. Or, le Pr Andrew Bush (Londres, Royaume-Uni) prévient : les symptômes de l’enfance peuvent être parfois manqués, ou sous-estimés, alors qu’ils peuvent s’avérer être les signes avant-coureurs d’une maladie chez l’adulte.

Tous les enfants toussent et la plupart sont normaux. Cependant, plus de la moitié des adultes atteints de bronchectasie ont présenté des symptômes dès l’enfance. Cela souligne la nécessité de prendre au sérieux la toux productive chronique persistante, d’essayer de déterminer la cause sous-jacente et d’instaurer un traitement efficace pour prévenir la progression de la bronchectasie alors que la maladie est encore réversible.

Exergue 1 : Il serait moins coûteux d’améliorer la qualité de l’air que de continuer à payer les coûts des conséquences de la pollution.

Exergue 2 : Le tabagisme grand-maternel augmente le risque d’asthme

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin