Dermatoses urticariennes de l’enfant

Un diagnostic parfois difficile

Publié le 16/05/2013
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Urticaire chronique

Urticaire chronique
Crédit photo : BSIP

TOUT CE QUI EST ROUGE et œdémateux n’est pas de l’urticaire ! La prise en charge des dermatoses urticariennes de l’enfant impose de connaître les principaux diagnostics différentiels et d’individualiser les critères cliniques qui permettent de poser le diagnostic d’urticaire : éruption prurigineuse faite de plaques érythémato-œdémateuses fugaces dont chacune dure moins de 24 heures. L’urticaire est une des affections dermatologiques les plus fréquentes chez l’enfant, avec un fort retentissement psychologique et une demande pressante de la famille.

L’urticaire chronique reste rare chez l’enfant.

L’urticaire chronique, évoluant depuis plus de 6 semaines, est rare, voire exceptionnel chez l’enfant. Il est associé dans la moitié des cas à des poussées d’angio-œdème, sans signe de gravité.

La grande majorité des urticaires durent quelques jours, puis régressent. Seuls 5 % des enfants sont encore affectés après 15 jours d’évolution et moins de 0,3 % évoluent vers une urticaire chronique, avec un impact non négligeable sur l’éducation et sur l’apprentissage. Près de 10 % des enfants urticariens manquent l’école environ une vingtaine de jours par an et ont de moins bonnes performances scolaires que les autres enfants. Le pronostic est d’autant meilleur en l’absence d’urticaire chronique physique, lorsqu’il s’agit d’un garçon et si l’enfant a moins de 10 ans. À noter qu’on ne parle plus d’urticaire chronique idiopathique, ce qui était un pléonasme !

L’urticaire chronique est une maladie par fragilité des mastocytes cutanés : ce n’est pas une allergie IgE. Les mastocytes fragilisés sont activés par divers stimuli (infection, inflammation, aliments, médicaments, traumatismes physiques…), histaminolibérateurs. Les données chez l’enfant sont éparses et souvent extrapolées à partir des informations obtenues chez l’adulte.

Le diagnostic repose essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen clinique.

L’anamnèse précise l’histoire de l’urticaire, les antécédents personnels et familiaux (atopie, maladie générale…), les circonstances déclenchantes, les signes d’accompagnement… L’examen clinique comporte un examen dermatologique, un examen général (plus particulièrement orienté vers la recherche d’un foyer infectieux, d’une dysthyroïdie…). Le diagnostic d’urticaire physique est en général confirmé par un test de provocation adapté, non dénué de risque et donc à réaliser en milieu hospitalier. Les causes d’urticaire chronique sont multiples et parfois difficiles à identifier, conduisant à des examens complémentaires souvent inutiles.

De nombreuses étiologies, difficiles à identifier.

Parmi les nombreuses étiologies des urticaires chroniques récidivantes, on distingue : les infections chroniques persistantes bactériennes (H. pylori, streptocoque, staphylocoque, Yersinia, mycoplasme), virales (hépatites), ou parasitaires, les urticaires physiques (dermographisme, urticaire retardée à la pression, cholinergique, aquagénique, au froid, solaire, vibratoire), les urticaires syndromiques (syndrome CINCA, maladie de Still), les maladies générales (thyroïdite auto-immune, vascularite) et l’urticaire chronique spontanée (médicaments, aliments). « Il faut savoir penser aux urticaires des maladies autoinflammatoires en cas d’anomalie du morphotype, de fièvre récurrente, d’urticaire fixe, cuisant, de douleurs abdominales et/ou pleurales, de syndrome arthromyalgique et d’atteinte neurosensorielle… On en décrit de plus en plus et l’on peut aujourd’hui les traiter… », a souligné le Dr Michel Rybojad (Paris).

Le traitement de référence de l’urticaire chronique repose sur les antihistaminiques de deuxième génération pendant 4 à 8 semaines. Si les antihistaminiques ne suffisent pas à contrôler les symptômes, les recommandations pédiatriques actuelles suivent celles de l’adulte, avec l’augmentation des doses des anti-H1, associés ou non aux antileucotriènes.

La corticothérapie générale doit être évitée en raison des risques de corticodépendance. Pour les urticaires résistantes au traitement anti-H1 à fortes doses, l’ajout de ciclosporine A peut se faire en milieu spécialisé. L’omalizumab est en cours d’évaluation.


L’urticaire aiguë : virus, médicaments et aliments

L’urticaire aiguë ( UA) spontanée est la présentation clinique la plus fréquente chez les enfants. L’angio-œdème est plus fréquent dans la petite enfance, sans valeur péjorative. Le choc anaphylactique est rarissime avant un an. Le risque est augmenté à l’adolescence en cas d’asthme. L’étiologie la plus fréquente est une infection virale, retrouvée dans 60 à 80 % des cas selon les études ( adénovirus, entérovirus, VRS, EBV, CMV, autres herpes virus, virus des hépatites A, B, C…). L’état général est le plus souvent conservé et la fièvre modérée et/ou transitoire. La durée moyenne de la poussée est de 5 à 9 jours ( versus < à 24 heures pour cause allergique). Il existe une synergie virus-médicament. Les médicaments sont la seconde cause d’urticaire aiguë chez l’enfant ( bêtalactamines, sulfamides, AINS, aspirine, paracétamol, codéine et morphiniques, produits de contraste iodés, curares, hypnotiques…).
Les vaccins ( antitétanique, anti-rougeole, contre l’hépatite B) sont aussi incriminés. L’origine alimentaire est également très fréquente. « Le délai de survenue de l’urticaire aiguë après la prise d’un médicament ou d’un aliment est similaire, inférieur à 45 minutes-1 heure. En revanche, la durée moyenne de l’épisode est plus longue avec un médicament 24 heures qu’avec un aliment ou un venin 6 heures », a fait remarquer le Dr Benoît Catteau ( Lille). L’origine allergique est plus fréquente que chez les adultes, avec un rôle favorisant du terrain atopique.
Les allergènes alimentaires les plus fréquents sont les protéines du lait de vache (avant 6 mois), l’œuf avant 1 an. De 3 à 6 ans, le premier allergène est l’arachide.

D’après les communications du Dr Michel Ryjobab (Paris) et du Dr Benoît Catteau (Lille).

CHRISTINE FALLET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9242