Les méfaits méconnus des apnées

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Publié le 30/09/2022
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L’apnée obstructive du sommeil est associée à un grand nombre de pathologies (cancer, thromboembolie veineuse, troubles cognitifs…) qui altèrent la survie et la qualité de vie, sans qu’il y ait, à ce jour, de lien de cause à effet prouvé.
On ne connait pas encore les bénéfices du traitement

On ne connait pas encore les bénéfices du traitement
Crédit photo : phanie

Les personnes souffrant d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) ont un risque accru de cancer, selon une étude suédoise présentée au congrès (1). Les données issues d’une grande cohorte de 62 811 patients, cinq ans avant le début d’un traitement par pression positive continue, ont été examinées au regard de celles du registre national suédois du cancer. 2 093 patients (âge moyen 65,3 ± 10,1 ans, IMC = 30, 29,8 % de femmes) atteints d’un SAOS et d’un diagnostic de cancer, ont été appariés avec un groupe témoin de patients atteints de SAOS mais sans cancer. Les chercheurs ont pris en compte les facteurs qui pouvaient influencer les résultats, tels que le poids, le diabète, le tabagisme, le statut socio-économique, etc.

Ils ont mesuré la gravité du SAOS par l’indice d’apnée hypopnée (IAH) ou l’indice de désaturation en oxygène (ODI) de 3 %. « Nous avons constaté que les patients atteints de cancer avaient un SAOS légèrement plus sévère, mesuré par un indice d’apnée hypopnée moyen de 32, vs. 30, et un indice de désaturation en oxygène de 28, vs. 26 », souligne le Dr Andreas Palm (Lund, Suède).

Dans une analyse par sous-groupes, l’ODI était significativement plus élevé chez les patients atteints d’un cancer du poumon (38 [19-45] vs. 27 [16-43], p = 0,012 ; n = 57), d’un cancer de la prostate (28 [17-46] vs. 24 [16-39], p = 0,005 ; n = 617) et d’un mélanome (32 [17-46] vs. 25 [14-41], p = 0,015 ; n = 170). « Les résultats de cette étude soulignent que l’apnée du sommeil non traitée peut être un facteur de risque de cancer. Elle ne montre pas qu’elle provoque le cancer, mais elle y est associée », insiste le Dr Palm.

Le lien entre apnée du sommeil et cancer ne viendrait pas du surpoids, du tabagisme ou d’autres comorbidités, mais plutôt du manque d’oxygène dû à l’apnée.

Une première étude française sur l’association avec la TEV

Le Pr Wojciech Trzepizur (Angers) a montré pour sa part que les patients atteints de SAOS plus sévère, mesuré par l’IAH et les marqueurs de la privation nocturne d’oxygène, étaient plus susceptibles de développer une thromboembolie veineuse (TEV) spontanée (2). Sur 7 355 patients suivis pendant plus de six ans, 104 ont développé une TEV non provoquée.

Les patients qui passaient plus de 6 % de leur nuit avec des niveaux d’oxygène, dans le sang, inférieurs à 90 % de la normale, avaient un risque presque deux fois plus élevé de développer des TEV par rapport aux autres patients. « D’autres données sont nécessaires pour voir si un traitement adapté du SAOS, par exemple par pression positive continue, pourrait réduire le risque chez les patients présentant une privation nocturne marquée d’oxygène », propose le Pr Trzepizur.

Déclin cognitif chez les hommes plus âgés

Une troisième étude, suisse, a inclus cette fois 358 patients âgés de plus de 65 ans souffrant de SAOS, suivis pendant 5 ans (3). Les tests cognitifs ont évalué la fonction cognitive globale, la vitesse de traitement, la fonction exécutive, la mémoire verbale, le langage et la perception visuelle des relations spatiales entre les objets.

Les résultats montrent que l’apnée du sommeil est associée à un déclin de fonctions cognitives spécifiques telles que la vitesse de traitement, la fonction exécutive et la mémoire verbale, mais moins à un déclin du langage et de la fonction visiospatiale. Le test de Stroop, qui mesure la vitesse de traitement et la fonction exécutive, présente une baisse plus marquée chez les personnes âgées de 74 ans et plus, par rapport aux patients plus jeunes. Le test de fluidité verbale montre une baisse plus marquée chez les hommes seulement, mais pas chez les femmes. Ainsi, tous les patients atteints de SAOS n’ont pas le même risque.

Exergue : Pas de lien de causalité, mais un risque objectif de cancer

(1) ERS 2022. OA 2290. Palm A et al Cancer prevalence is increased in obstructive sleep apnea-the population – based Discovery study

(2) ERS 2022. OA 2288. Trzepizur W et al. Sleep apnea and incident unprovoked venous thromboembolism : data from the French Pays de la Loire Sleep Cohort

(3) ERS 2022. OA 2287. Marchi N. Obstructive sleep apnea and cognitive decline in the elderly population : the HypnoLaus study

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin