« Le but de FASTRACS, c'est de développer une intervention pour favoriser le retour à l'emploi après un cancer du sein. C'est un projet appliqué », explique le Dr Jean-Baptiste Fassier, médecin du travail du personnel des Hospices civils de Lyon (HCL) et chercheur à l'université Claude Bernard Lyon 1.
Le projet rassemble dix chercheurs, six disciplines (médecins du travail, médecins généralistes, oncologie, psychologie sociale, de la santé, du travail), deux universités et cinq laboratoires, avec un comité stratégique de 25 participants. « Le cancer du sein provoque 63 000 nouvelles admissions en affection de longue durée chaque année, dont 7 400 en Rhône-Alpes, détaille le Dr Fassier. Parmi ces patientes, 2 440 femmes ont entre 25 et 54 ans, ce qui va à l'encontre de l'image du cancer du sein qui toucherait des femmes âgées. Nous sommes donc sur une thématique de société avec des tendances structurelles », note-t-il. Le cancer du sein a un bon pronostic, avec un taux de survie de 97 % à un an et de 85 % à 3 ans.
Néanmoins, la reprise du travail peut être délicate, en particulier pour des femmes fragiles socialement. « Après un cancer, il existe des barrières multiples pour la reprise du travail, souligne le médecin. Il y a des facteurs médicaux (les effets du cancer mais aussi du traitement, qu'il soit par chimiothérapie ou par radiothérapie), les facteurs socio-démographiques, les facteurs psychologiques. Le cancer est une expérience qui fragilise beaucoup et cause des angoisses, ou des dépressions pouvant influencer la reprise ou la non reprise du travail. À cela s'ajoutent des facteurs environnementaux, liés au contexte familial ou au travail. » L'environnement peut ainsi être facilitant ou incapacitant. Enfin, les inégalités sociales jouent aussi un rôle majeur. « Si la patiente est plus âgée ou moins qualifiée, elle a plus de risques de perdre son travail dans les deux ans après le cancer », observe le Dr Fassier.
Anticiper la reprise du travail
Une première enquête menée auprès de sept entreprises, avec une soixantaine d'entretiens individuels et dix focus groupes, a permis d'identifier trois phases : pendant l'arrêt, au moment de la reprise, après la reprise. Pendant l'arrêt, l'organisation du travail change, entraînant soit un remplacement de la personne absente, soit une surcharge de travail pour ses collègues. La patiente, de son côté, s'interroge sur le sens du travail : alimentaire, identitaire, socialisant, etc. Enfin, le lien avec l'organisation est très variable pendant l'arrêt et va de la rupture totale, jusqu'au travail malgré l'arrêt. La deuxième phase, en préparation de la reprise du travail, a permis de montrer une indécision, voire des visions extrêmes de la reprise : inquiétudes, attentes positives disproportionnées.
Deux points importants ont été observés. « Il y a une anticipation nécessaire et il faut davantage d'échanges entre acteurs », remarque le Dr Fassier. Selon lui, la visite médicale de reprise est souvent trop tardive et insuffisante. « Elle devrait être beaucoup plus systématisée et devrait être précédée en amont par une visite de pré-reprise », suggère-t-il. Les chercheurs ont aussi mis en évidence un manque de coordination entre les différents professionnels de santé, notamment entre cancérologues, médecins traitants et médecins du travail, « ce qui a des implications importantes », insiste le Dr Fassier. Sur le lieu de travail, l'enquête montre qu'il existe un important besoin de formation et d'information des managers de proximité et des collègues, mais aussi que l'existence de services de santé autonomes et la présence d'un responsable dédié dans les grandes entreprises jouent un rôle positif. Dans les très petites entreprises, le dirigeant a un rôle important à jouer. Parmi les personnes qui ont perdu leur emploi après un cancer du sein, 93 % l'ont perdu dans les 2 ans qui suivent le diagnostic. « Nous souhaitons évaluer les effets de l'intervention dans les 2 années qui suivent le diagnostic d'un cancer du sein », conclut le Dr Fassier. L'étude devrait durer jusqu'en 2020 et ses initiateurs sont encore en recherche de financements.
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