La Wii pour aller mieux

LA PRATIQUE du jeu vidéo peut-elle être bénéfique dans la gestion de certaines douleurs chroniques ? C’est en tout cas la conviction d’Anne Lambert, kinésithérapeute dans le service de rhumatologie du Pr Bruno Fautrel à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Cela fait plusieurs années que cette soignante utilise la console Wii pour certains patients souffrant de lombalgies chroniques. « Il est clair que cet outil n’est pas un antalgique mais il peut avoir un intérêt réel chez les patients, souffrant de lombalgies chroniques que nous accueillons à l’hôpital dans le cadre de séances de ré-entraînement à l’effort », explique Anne Lambert qui a fait une présentation sur ce thème « Wii et lombalgies » lors des Journées thématiques douleur (JTD), organisées début avril par la SFETD en partenariat avec le Cercle d’étude de la douleur en rhumatologie (CEDR). « Les patients, que nous voyons, sont des gens qui ont tout le temps mal, quoi qu’ils fassent. En utilisant cette console de jeux, nous ne sommes pas dans un objectif primaire de suppression de cette douleur. Le but est de les engager, par ce travail ludique, dans une forme de reconditionnement qui, en agissant sur leur moral, va leur permettre d’aller mieux et d’oublier un peu cette douleur. Ces patients, atteints de lombalgies chroniques, s’installent parfois dans une sorte de spirale. Ils font le constat que, dès qu’ils bougent, ils ont mal. Du coup, ils finissent par ne plus bouger du tout, par supprimer tout exercice. C’est une spirale qui peut les conduire dans un isolement profond, voire à la dépression », explique Anne Lambert. Le recours à une activité ludique va leur permettre de se remettre en mouvement et peut selon cette kinésithérapeute contribuer à « casser » cette spirale négative et à sortir de l’enfermement dans laquelle cette douleur chronique les enferme. « On voit ainsi des patients qui se mettent à aller mieux et à reprendre des activités physiques dans leur vie quotidienne sans être en permanence focalisés sur cette douleur », poursuit Anne Lambert. « Chez ces patients lombalgiques, on utilise aussi la Wii pour leur faire comprendre conscience de certains troubles de l’équilibre qu’ils ont pu développer au fil du temps », ajoute-t-elle. Dans l’établissement où elle travaillait avant de rejoindre la Pitié-Salpêtrière, Anne Lambert utilisait aussi la Wii pour des patients ostéoporotiques « chuteurs ». « Il s’agissait de patients qui avaient une fragilité osseuse avec des troubles de l’équilibre qui avaient déjà entraîné une chute. Et l’utilisation de la Wii permet de leur faire travailler leur équilibre », indique Anne Lambert, en précisant que cette console peut aussi être un moyen de lutter contre la prise de poids liée à l’inaction. « Le patient a la possibilité avec cet outil de connaître sa consommation de calories lors d’un effort. Il peut améliorer son empowerment en créant son programme d’entraînement avec ses propres objectifs. La Wii leur permet de lutter contre leur kinésiophobie, de réintégrer un groupe, de reprendre une gestuelle sportive, sans crainte de se faire mal », indique Anne Lambert. Certaines maisons de retraite ont elles aussi recours à ce jeu vidéo qui n’est donc plus réservé à un public d’enfants ou d’adolescents. « Il est d’abord intéressant pour faire travailler des personnes sans leur donner le sentiment qu’elles travaillent. Chez des personnes âgées, l’intérêt est de leur faire travailler les membres supérieurs et de réutiliser la coordination œil main qui, au fil du temps, a pu s’émousser ».

D’après un entretien avec Anne Lambert, kinésithérapeute dans le service de rhumatologie du Pr Bruno Fautrel à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Anne Lambert est aussi titulaire d’un DU d’éducation thérapeutique et d’un DU de thérapies cognitivo-comportementales de la douleur chronique.