CRISPR/Cas9 dans l’amylose à transthyrétine

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Publié le 02/12/2022
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Une nouvelle thérapie basée sur la technologie CRISPR/Cas9 permet en une seule perfusion de réduire les niveaux de protéines de transthyrétine (TTR), des résultats prometteurs pour les patients atteints d’amylose cardiaque à TTR (ATTR).
Une accumulation de fibrilles composées de protéines de transthyrétine

Une accumulation de fibrilles composées de protéines de transthyrétine
Crédit photo : phanie

Synthétisée par le foie, la TTR est une des protéines de transport de la vitamine A et de la thyroxine. L'ATTR résulte de l’accumulation de fibrilles composées de protéines de TTR dans différents organes comme le cœur, où elle entraîne progressivement une insuffisance cardiaque.

Les progrès récents de l’imagerie ont permis de diagnostiquer plus précocement cette maladie. Depuis quelques années, on dispose surtout d’un traitement spécifique, le tafamidis, qui stabilise les protéines de TTR. Il a complètement modifié le pronostic de la maladie, en augmentant la survie de 30 %. D’autres thérapeutiques sont en cours d’évaluation. 

Des ciseaux génétiques

Développée en particulier par la française Emmanuelle Charpentier (prix Nobel de chimie en 2020), la technologie CRISPR/Cas9 est un nouvel outil très performant de modification de l’information génétique. Elle est constituée d’un « ARN guide », qui reconnaît spécifiquement une séquence sur l’ADN associé à une nucléase Cas9. Elle permet ainsi de couper l’ADN à un endroit précis du génome. Elle n’ajoute pas un exemplaire de gène normal (comme dans la thérapie génique classique), mais inactive le gène mutant.

Le NTLA-2001 est le premier outil CRISPR/Cas9 à être utilisé en intraveineux. Il pénètre dans l’hépatocyte. Puis, le gène TTR, reconnu par l’ARN guide, est ensuite coupé par l’enzyme Cas9. Les résultats expérimentaux se montrent très prometteurs.

Une réduction de 90 % de la transthyrétine

L’étude présentée au congrès de l’American Heart Association (AHA) a été menée chez 12 personnes atteintes d'ATTR, avec insuffisance cardiaque à différents stades (1). Les patients ont reçu une seule perfusion intraveineuse de NTLA-2001. Les taux sanguins de TTR ont été mesurés au début de l'étude, puis à deux, quatre et six mois après l’administration de NTLA-2001. La protéine TTR circulante a été réduite de plus de 90 % chez tous les patients au 28e jour après le traitement. Cette diminution de la TTR plasmatique se maintient à trois et six mois après la perfusion. Le NTLA-2001, était bien toléré, quelles que soient la classe de la NYHA et la dose administrée (0,7 ou 1 mg/kg). Les événements indésirables, tels que les réactions liées à la perfusion, étaient majoritairement légers et transitoires.

« La réduction significative et stable dans le temps des taux plasmatiques de protéines TTR suggère que le NTLA-2001 en perfusion constitue une nouvelle option thérapeutique, susceptible de stopper la progression de la maladie chez les patients atteints d’amylose à TTR, voire de l’inverser », a déclaré le Pr Julian D. Gillmore (Royaume-Uni), auteur principal de l'étude. Néanmoins, s’agissant d’une étude de phase 1 d'escalade de dose, les conclusions sont limitées. Des essais de phase 2 et 3 sont nécessaires afin d’évaluer si une seule dose est suffisante, et surtout vérifier l'innocuité à long terme de NTLA-2001. Ils permettront également d’analyser les effets de la réduction majeure des niveaux de TTR sur les résultats cliniques des patients.

(1) Gillmore JD et al. AHA 2022, Abstract 19702

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin