Le grand témoin

Dr Daniel Lévy-Bruhl : « L'enjeu : obtenir un taux de couverture élevé »

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Publié le 06/09/2017
Levi-Bruhl

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Crédit photo : Phanie

Le vaccin contre la rougeole est sans doute celui qui illustre le mieux nécessité de prendre des mesures afin d'accroître la couverture vaccinale. « La rougeole est une maladie très contagieuse et seule une couverture vaccinale élevée est en effet capable d'interrompre la circulation du virus, rappelle le Dr Daniel Lévy-Bruhl. Cette couverture en France est aujourd'hui stable, de 90 %, mais cela ne suffit pas. L'expérience internationale le confirme : il faut atteindre un taux de 95 % pour ne plus être exposé à des résurgences épidémiques de grande ampleur, comme celle connue entre 2008 et 2012 ». Durant cette période, près de 15 000 patients ont été hospitalisés pour une pneumonie, sans compter les complications neurologiques à type d'encéphalite dont une trentaine de cas ont été malheureusement rapportés. « On ne peut donc pas se contenter d'une couverture vaccinale de 90 %, taux qui à première vue pourrait paraître satisfaisant », note le responsable de l'unité infections respiratoires et vaccination à Santé publique France.

Autre vaccination qui pose un problème majeur : celle contre le méningocoque C. « En 2010, le choix a été fait d'introduire cette vaccination à l'âge de 12 mois et non pas chez les nourrissons plus jeunes qui sont, avec les adolescents, les plus exposés », explique le Dr Lévy-Bruhl. Un choix dicté par un souci de simplification -une seule dose est nécessaire à 12 mois contre 3 pour une vaccination initiée à partir de 2 mois- et conforté par l'expérience acquise dans d'autres pays. Une protection indirecte des jeunes nourrissons, par un mécanisme d'immunité de groupe était attendue mais la couverture vaccinale est restée trop basse et n'est aujourd'hui que de 70 % à l'âge de 12 mois et décroît avec l’âge (36 % chez les 10-14 ans, 10 % chez les 20-24 ans). L'incidence des infections invasives à méningocoque C a augmenté, avec quelque 300 cas et 30 décès rapportés depuis 2011 chez des sujets âgés entre 1 et 24 ans qui auraient dû être vaccinés. « Cette situation est inacceptable et justifie de prendre des mesures fortes afin d'améliorer la couverture vaccinale dans un souci de protection individuelle mais aussi collective, insiste Daniel Lévy-Bruhl. Pour la rougeole comme pour le méningocoque, cette dimension collective est essentielle car une couverture vaccinale élevée, de 95 %, protège également les moins de un an et les sujets immunodéprimés ».

« Contrairement aux deux vaccins précédents, la vaccination antipneumococcique bénéficie d'une bonne image est n'est pas en souffrance », note le Dr Lévy-Bruhl. La couverture vaccinale était de plus de 90 % en 2015 et les données de surveillance montrent la poursuite de la hausse de ce taux observée depuis plusieurs années. Cette vaccination bénéficie de deux atouts majeurs qui ont fortement contribué à son acceptabilité par les familles et les vaccinateurs : un même schéma vaccinal que les vaccins obligatoires permettant donc une administration au cours de la même séance et un excellent profil de tolérance. Après son introduction en 2003 chez les enfants à risque, avec une efficacité très nette sur les infections invasives à pneumocoques à sérotype vaccinal, l'indication du vaccin a été élargie en 2006 à tous les nourrissons. Un phénomène de remplacement sérotypique est apparu, avec l'augmentation d’incidence de plusieurs sérotypes non inclus dans le vaccin, essentiellement le 7F et surtout le 19A, responsables de méningites. L'arrivée en 2010 du vaccin conjugué à 13 valences a corrigé ce phénomène et les données sont aujourd'hui très rassurantes. Chez les nourrissons, les infections sévères à pneumocoques ont diminué de moitié depuis le début des années 2000 et chez les sujets âgés, une baisse de 30 % des infections sévères, pneumonies bactériémiques essentiellement, a été observée. « Tous âges confondus, l'incidence des infections sévères à pneumocoque a été réduite de 25 % », souligne le Dr Daniel Lévy-Bruhl, avant de rappeler deux évolutions récentes pour la vaccination des sujets à risque. L'alignement, dans le calendrier vaccinal 2017, des recommandations pour les sujets à haut risque et à risque moyen, qui préconisent désormais le même schéma mixte (une dose de vaccin conjugué à 13 valences puis une dose de vaccin à 23 valences). Et l'ajout d'un rappel unique du vaccin à 23 valences chez les sujets à risque.

 

D'après un entretien avec le Dr Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l'unité infections respiratoires et vaccination à Santé publique France

 

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr
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