Vers un diagnostic plus précoce de l’hypertension pulmonaire

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Publié le 23/09/2022
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Les recommandations conjointes (1) des Sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie (ESC/ERS) mettent en lumière les progrès réalisés dans le diagnostic et le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), en insistant sur le repérage précoce et la prise en charge de l'HTAP thromboembolique chronique (HTAPEC).
Une pathologie sévère pouvant aboutir à une insuffisance cardiaque droite

Une pathologie sévère pouvant aboutir à une insuffisance cardiaque droite
Crédit photo : Phanie

L’HTAP touche environ 1 % de la population mondiale, allant jusqu'à 10 % des personnes de plus de 65 ans. C’est une pathologie sévère si elle n’est pas correctement prise en charge, pouvant aboutir à une insuffisance cardiaque droite.

Des études avaient montré qu’une pression artérielle pulmonaire (PAP) ou une résistance vasculaire pulmonaire (RVP), même modérément élevées, s’associent à une augmentation de la mortalité. Elles avaient ainsi conduit à modifier la définition hémodynamique. Le seuil de la PAP moyenne a été abaissé de 25 à 20 mmHg. « Toutefois, si les diminutions des seuils de la PAP moyenne et de la RVP sont pertinentes cliniquement, elles ne se traduisent pas encore par des recommandations thérapeutiques. En effet, l’efficacité des traitements reste mal connue pour les PAP comprises entre 21 et 24 mmHg ou les RVP entre 2 et 3 WU (Wood Unit, correspondant à une différence de pression de 1 mm Hg pour un débit de 1 ml/s) », note la Pr Marion Delcroix (Belgique). Pour ces valeurs limites, un traitement ne sera pas instauré mais les patients seront étroitement surveillés.

Une prise en charge souvent retardée

Divisée en cinq groupes principaux selon son étiologie, l’HTAP existe en tant que maladie vasculaire pulmonaire : idiopathique distincte (héréditaire, toxique et associée à une connectivite), liée à une cardiopathie gauche, associée à une maladie pulmonaire chronique, de cause incertaine ou multifactorielle (liée à des pathologies hématologiques, pulmonaire, métabolique…), ou encore d'HTAPEC.

La symptomatologie n’a rien de spécifique, avec généralement une dyspnée progressive et une diminution de la capacité à l’effort. De plus, on observe parfois une fatigue chronique, des douleurs thoraciques, des palpitations, des syncopes à l’effort, une rétention d’eau en cas d’altération de la fonction cardiaque droite, voire des hémoptysies. « Ainsi, le diagnostic de l'HTAP et sa prise en charge appropriée souffrent généralement d’un retard considérable, insiste le Pr Stephan Rosenkranz (Allemagne). On n’y pense pas car ces patients sont jeunes, souvent des femmes a priori en bonne santé, ou s’ils sont plus âgés, parce que la symptomatologie est rapportée à l’hypertension artérielle, l’obésité ou d’autres pathologies cardiorespiratoires ».

La démarche diagnostique a été simplifiée en trois étapes : suspicion d’une HTAP par les médecins de premier recours, probabilité diagnostique évoquée par l’échographie et élimination des autres causes cardiorespiratoires de dyspnée, puis confirmation par cathétérisme cardiaque droit dans les centres experts.

Une surveillance accrue après embolie pulmonaire

Pour raccourcir les délais diagnostiques, un dépistage de l'HTAP est proposé chez les patients atteints de sclérodermie ou à risque d'HTAP héréditaire, ainsi qu’en population générale en cas de dyspnée inexpliquée ou après une embolie pulmonaire (EP). Chez le patient faisant une EP, il est maintenant recommandé de rechercher des signes évocateurs d’HTAP sur l’angioscanner thoracique et l’échocardiographie. Ces patients seront suivis systématiquement après EP pour vérifier l’absence d’HTAP, comme le préconisent déjà les recommandations sur le diagnostic et la prise en charge de l'EP aiguë. Le choix thérapeutique dépend des comorbidités et du stade de la maladie (risque bas, intermédiaire-faible, intermédiaire-élevé ou élevé).

Dans les HTAPEC, le traitement dépend du niveau de l’obstruction artérielle. L'endartériectomie pulmonaire est à privilégier si les patients sont éligibles. L'angioplastie pulmonaire par ballonnet est indiquée chez certains sujets récusés pour la chirurgie, ou présentant des lésions distales ou une HTAP persistante après l’opération. Les autres cas bénéficieront d’un traitement médical, en particulier en cas de microvasculopathie. Enfin, un entraînement à l’effort fait partie intégrante de la prise en charge de l’HTAP. 

(1) Humbert M, et al. 2022 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension. Eur Heart J 2022 Aug 26;ehac237; Eur Respir J. 2022 Aug 30;2200879

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin