Covid-19 : où en est-on ?

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Publié le 24/03/2023
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Si le Sars-CoV-2 a relâché sa pression, il reste toutefois de nombreuses questions sur la prévention des formes sévères, les mécanismes et les implications du rebond viral, ainsi que sur l’abord du Covid long en ambulatoire. Les personnes immunodéprimées constituent toujours l’enjeu des différentes stratégies thérapeutiques de prévention.

L’émergence de nouveaux variants reste un sujet de préoccupation

L’émergence de nouveaux variants reste un sujet de préoccupation
Crédit photo : GARO/PHANIE

L’urgence à faire face au Covid a amené à utiliser en ambulatoire des molécules ayant fait leurs preuves contre d’autres infections virales afin de limiter hospitalisations et de décès chez les personnes à haut risque de Covid-19 sévère. Mais y a-t-il encore des indications, et lesquelles, dans le contexte actuel ?

Quels patients traiter en phase aiguë ?

Dans la prévention des formes sévères du Covid, les anticorps monoclonaux (mAbs) ont rapidement montré leurs limites et ne sont plus autorisés aujourd’hui. Mais on dispose toujours d’antiviraux comme le remdesivir, le nirmatrelvir/ritonavir, le molnupiravir et le plasma de convalescents dans certaines populations. Cependant, le recours à ces traitements reste complexe, du fait d’interactions médicamenteuses, de contre-indications, etc.

Actuellement, sont recommandés le nirmatrelvir/ritonavir — contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale ou hépatique avancées, susceptible d’interactions médicamenteuses et responsable d’une dysgueusie — ou le remdesivir — contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale et nécessitant trois injections IV par jour. Ces deux molécules peuvent être prescrites pendant la grossesse. Le molnupiravir est une alternative, mais son efficacité est plus faible, il s’associe à un risque osseux et cartilagineux et il est contre-indiqué pendant la grossesse.

« Dans le contexte actuel de vaccinations, d’infections antérieures et de baisse des taux d’hospitalisation et de mortalité, il est indispensable de rediscuter la place des thérapies antivirales dans le Covid-19 léger à modéré », explique la Dr Kara Chew (Los Angeles, Californie).

Le nirmatrelvir/ritonavir a fait la preuve de son efficacité chez les personnes âgées à haut risque, y compris après vaccination complète, ou non complète, et chez ceux ayant déjà été infectés. Une étude menée chez près de 700 000 personnes aux États-Unis d’avril à septembre 2022 a montré qu’il réduisait de 40 à 60 % le risque d’hospitalisation chez les plus de 50 ans, ainsi que chez les 18/50 ans avec comorbidités, mais les plus vulnérables socialement étaient ceux qui en bénéficiaient le moins !

Chez les immunodéprimés, le molnupiravir a prouvé son efficacité et sa tolérance, mais il est mutagène.

Par ailleurs, si ces trois traitements réduisent la durée de la phase aiguë, ils n’ont aucun effet sur le rebond symptomatique ou viral, ni sur la survenue d’un Covid long.

Un développement toujours actif

Quant au sérum de patient convalescent, il réduit de 48 à 54 % les formes sévères chez les immunodéprimés pour les variants Alpha ou pré-Alpha, mais il n’y a pas de consensus sur les doses et la fréquence d’administration.

Parmi les multiples molécules en développement, l’ensitrelvir a montré, dans une étude de phase 3 chez des patients à risque dont plus de 90 % vaccinés, qu’il diminue la durée des symptômes et probablement le nombre de Covid longs.

L’interféron pégylé, administré de façon précoce par voie sous-cutanée, réduit de moitié les hospitalisations chez les personnes à haut risque, vs. placebo.

« Même si on assiste actuellement à une forte réduction des hospitalisations et des décès, le traitement du covid aigu reste efficace pour prévenir les formes sévères chez les plus âgés et ceux qui ont comorbidités, y compris s’ils sont vaccinés. L’enjeu est surtout de faciliter l’accès à ceux qui en ont le plus besoin », prévient l’infectiologue.

Méfiance sur le rebond viral

Le rebond viral, dans les cinq jours à la fin d’un traitement, est un sujet de préoccupation ; il s’observe aussi pendant, ou après, des infections par d’autres virus. Il a été constaté qu’un rebond viral, ou symptomatique (l’association des deux restant rare), a lieu également dans les Covid non traités, et en particulier chez les patients immunodéprimés.

D’après une étude récente, chez les personnes traitées par nirmatrelvir/ritonavir, le rebond viral serait de 14 %, le rebond symptomatique de 9 %, vs. respectivement 9 et 7 % en l’absence de traitement.

Le rebond observé après mAbs ou après remdesivir témoigne d’une résistance thérapeutique, tandis que la résistance au nirmatrelvir-ritonavir semble rare. Il n’y a pas de rebond viral démontré après molnupiravir. « Le rebond viral et sa persistance chez les immunodéprimés peuvent accélérer l’évolution virale et l’émergence de nouveaux variants », suggère le Dr Jonathan Z. Li (Cambridge, Massachusetts).

Covid long : des mécanismes multiples

Les Covid longs, définis comme des symptômes inexpliqués apparaissant ou s’aggravant dans les trois mois suivant l’infection, sont fréquents. Ils concernent jusqu’à 40 % des patients, avec des conséquences majeures sur la santé ; les formes invalidantes sont rares (moins de 5 %), mais constituent un réel problème de santé publique, vu le nombre de personnes infectées. Ces formes prolongées ne sont pas l’apanage du Sars-CoV-2 et peuvent se rencontrer après d’autres infections aiguës.

Désormais, on connaît mieux les facteurs de risque de ces Covid longs : sexe féminin, âge, sévérité de l’infection aiguë, comorbidités (diabète, obésité), statut socio-économique défavorable, co-infection à VIH, absence de vaccination et variants les plus anciens, comme Omicron. En revanche, on ne connaît pas l’impact des réinfections ni du traitement de l’infection aiguë sur le Covid long.

Les mécanismes sont divers : persistance du virus dans les tissus, dysfonction immunitaire, auto-immunité ou inflammation, modification du microbiote, atteintes microvasculaires (microembols, dysfonction plaquettaire), anomalies de la fonction surrénalienne ; la réactivation de co-infections virales chroniques, comme l’HPV, pourrait aussi jouer un rôle. « Le Covid long est réel, et ses conséquences majeures. On ne peut méconnaître les besoins de ces patients, insiste le Dr Michael J. Peluso (San Francisco, Californie). Nous avons identifié les différentes voies susceptibles d’être ciblées, mais le développement thérapeutique en est encore au stade de preuve du concept, et il reste à convaincre les institutions et l’industrie à s’impliquer dans un programme de recherche. »

Exergue : « La place des antiviraux doit être rediscutée dans les formes légères à modérées »

Late breaking OS 9, Symposium 5

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin